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de Jay Nirsimloo
Après quatre ans de réflexion, la réforme de l'audit préparée par la Commission européenne va enfin être votée au Parlement européen dans les semaines à venir pour une entrée en vigueur en 2016. Une longue période d'incertitude prend fin, et c'est heureux. Mais nombre de professionnels de l'audit et de responsables d'entreprise s'inquiètent de ses répercussions sur l'exercice de leur métier. La plupart de leurs craintes me semblent peu fondées : sauf surprise lors du vote, le texte dessine en fait un modèle très proche du dispositif qui prévaut en France depuis longtemps - ce qui, au passage, prouve la qualité et la robustesse de l'audit à la française. Certaines hypothèses maximalistes formulées au départ, comme l'obligation pour les firmes auditant plus d'un certain nombre de sociétés cotées de cesser toute activité de conseil ou encore la rotation obligatoire des auditeurs à un rythme très soutenu, ont été abandonnées. Les instances européennes ont pris conscience que la complexité grandissante des opérations de contrôle des comptes requiert des cabinets pluridisciplinaires et qu'une rotation trop rapide aurait été contre-productive.
Au total, le marché français de l'audit étant déjà l'un des moins concentrés et l'un des plus réglementés au monde, la réforme n'aura donc pas d'impact majeur sur la profession et elle ne changera pas radicalement l'expérience des entreprises auditées. Le co-commissariat aux comptes existe ainsi en France depuis longtemps - situation unique en Europe. La refonte des interdictions concernant les prestations de services non-audit va d'ailleurs offrir au législateur français l'opportunité de clarifier les règles sur les prestations non-audit accessibles aux auditeurs, aujourd'hui bien plus limitées en France que chez nos voisins. Il en va de la compétitivité de notre pays, mais aussi de la nécessaire harmonisation des règles prévalant dans l'Union, gage de leur lisibilité par les tiers.
Sur un point cependant, la réforme aura des conséquences importantes : même adoucie par rapport aux projets originels, la nouvelle règle de rotation des cabinets risque, combinée avec le co-commissariat, de compliquer singulièrement, pour les entreprises, le choix de leurs auditeurs - et cela en France plus qu'ailleurs. Il est crucial, à cet égard, que les dirigeants, en particulier les directeurs financiers, et les comités d'audit élaborent dès à présent la bonne stratégie pour anticiper les difficultés pratiques et optimiser l'accompagnement que leur dispensent leurs auditeurs et conseils. L'enjeu pour eux est double. Le premier tient au fait que nos entreprises avaient déjà l'obligation de nommer deux auditeurs. Que faire dans le cas où les mandats des deux co-commissaires aux comptes expireraient simultanément à raison de l'entrée en vigueur de la rotation obligatoire après vingt-quatre ans ? En les remplaçant tous les deux en même temps, les entreprises concernées risqueraient de perdre un précieux élément de « mémoire » de leurs comptes. Elles doivent dès aujourd'hui entamer une réflexion sur le calendrier du renouvellement du collège des commissaires afin de préparer au mieux la transition.
La seconde difficulté tient au nombre limité des cabinets réellement susceptibles d'auditer un groupe international. L'obligation de rotation risque dans certains cas de se traduire, pour le comité d'audit, par un choix très restreint puisque les commissaires « sortants », désormais, ne pourront pas postuler. La situation devient quasiment ingérable lorsque l'on prend en compte le délai de viduité qui s'impose, en France, avant de pouvoir postuler à un mandat de commissaire aux comptes si le cabinet intervient déjà en tant que conseil dans l'entreprise. Il est clair que la superposition des nouvelles obligations nées de la réforme aux dispositifs préexistants dans notre pays exigera des aménagements. Les cabinets d'audit français, de leur côté, vont devoir s'adapter à ces nouvelles règles. Ils en ont la capacité. Pour sa part, KPMG est prêt.
Jay Nirsimloo
Jay Nirsimloo est président de KPMG France.
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