A lire sur: http://www.lesechos.fr/opinions/points_vue/0203448455894-pourquoi-il-faut-saluer-la-reforme-europeenne-de-l-audit-665652.php
de Patrick de Cambourg et Philippe Castagnac
La réforme de l'audit adoptée par l'Union européenne pose, enfin, les bases d'un véritable marché unique, déconcentré et fondé sur des valeurs clefs : rôle central de la gouvernance, compétence des auditeurs et qualité de l'audit renforcées, indépendance accrue des acteurs. Le dispositif vise à établir et à entretenir la confiance au meilleur niveau dans un monde qui en a bien besoin.
Quel est, avant la réforme, cet état du marché européen de l'audit que d'aucuns considéraient comme immuable ?
- Une Europe faible, car fondée sur des marchés nationaux et donc désunie, alors que les Etats-Unis donnent le « la » depuis longtemps et que la Chine affirme sa volonté de contribution indépendante.
- Une surconcentration des acteurs, plus qu'ailleurs, créant dans certains pays des positions dominantes dangereuses.
- Une quasi-absence de vrais cabinets européens aptes à servir ce marché domestique et à contribuer à l'indispensable dialogue mondial sur ces sujets d'intérêt public et stratégique.
La réforme aboutit à un dispositif européen de qualité, équilibré et prometteur. Le premier point clef est la rotation des auditeurs, mesure forte sur une période courte, dix ans, mais tempérée au moyen d'extensions significatives. En premier lieu, dix ans complémentaires après appel d'offres obligatoire. En second lieu, et mieux, en cas d'audit conjoint, quatorze ans complémentaires sans appel d'offres obligatoire. La rotation sur des périodes courtes peut être dangereuse en conduisant à une « commoditisation » de l'audit et à une concentration encore accrue. La rotation sur des périodes relativement longues, elles-mêmes liées à des pratiques vertueuses, est un calcul raisonné et raisonnable qui a de bonnes chances de conduire aux effets escomptés : marché plus ouvert, plus diversifié, plus innovant, gouvernance et qualité de l'audit accrues.
Le second point clef est la reconnaissance de l'audit conjoint (le co-commissariat français) comme un système doté de véritables atouts en termes de qualité de l'audit, d'indépendance des auditeurs et de déconcentration du marché. Ces mérites intrinsèques, découlant du principe fondamental du double regard, sont pris en compte par un dispositif de rotation récompensant la bonne gouvernance et la bonne organisation de l'audit. Il a fait ses preuves dans la durée et les professionnels savent le faire fonctionner. Il acquiert aujourd'hui ses lettres de noblesse en Europe, il est encouragé et c'est bienvenu.
Les bases d'un véritable marché unique sont aussi posées : amélioration des rapports d'audit, harmonisation des services non-audit autorisés, adoption officielle des standards d'audit internationaux, coordination des supervisions des auditeurs, harmonisation des conditions d'exercice…
Evidemment, un dispositif réglementaire ne fait pas tout. Encore faut-il que tous les acteurs le mettent en oeuvre avec soin, détermination et intelligence collective pour atteindre les objectifs recherchés. Les Etats membres vont devoir choisir parmi les options laissées par le texte et favoriser les pratiques les plus vertueuses. Pour répondre aux attentes du marché, les auditeurs européens vont devoir innover, investir et se structurer plus avant. Enfin, et surtout, sous l'impulsion de leurs instances de gouvernance, les entreprises vont devoir réexaminer leur dispositif de contrôle externe. L'objectif fondamental sera de faire de ce regard externe un des piliers de leur relation de confiance avec toutes les parties prenantes. Il leur appartiendra également de choisir le dispositif et les acteurs les mieux-disants qui les aideront à progresser dans un monde en profonde mutation.
Les entreprises européennes et l'intérêt public en Europe y gagneront, si chaque acteur s'engage dans la voie d'une confiance renforcée fondée sur les valeurs partagées de gouvernance, de transparence et de compétence.
Patrick de Cambourg
Philippe Castagnac
Patrick de Cambourg est président du conseil de surveillance de Mazars. Philippe Castagnac en est le président du conseil de gérance.
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