vendredi 18 avril 2014

Stéphane Richard : après l'expérience-client, l'expérience-salarié

A lire sur: http://business.lesechos.fr/directions-numeriques/0203445048201-stephane-richard-apres-l-experience-client-l-experience-salarie-62799.php

Par STEPHANE RICHARD | 16/04/2014

Dans un ouvrage intitulé Numériques, Stéphane Richard, revient sur la transformation du travail sous le coup de la propagation du numérique dans l’entreprise. Le PDG d’Orange appelle à la création de département de « l’innovation salarié ». Bonnes feuilles.

Extrait de l’ouvrage Numériques, de Stéphane Richard (édition Grasset) :

L’expérience-salarié, outil de mesure du bien-être des collaborateurs

A côté de la digitalisation de la fonction de production émerge avec de plus en plus d’acuité l’idée d’une digitalisation de la vie du salarié – « vie » s’entendant ici au sens professionnel. Parallèlement à l’ « expérience client » qui vise à s’assurer que le client est satisfait de sa relation aux produits et aux services de l’entreprise, celle-ci doit s’efforcer d’instituer la prise en compte d’une « expérience salarié », dans laquelle le numérique sous toutes ses formes tient une place centrale. A côté du « parcours client » qui vise à suivre pas à pas le parcours d’utilisation par le client des produits et services de l’entreprise, doit être créé le « parcours salarié » afin de s’assurer du bien-être des salariés tout au long de leur journée dans l’entreprise. Là aussi, c’est le développement des outils numériques qui devrait permettre un grand bond en avant.
En 2006, Andrew McAfee, sorte de gourou de la transformation numérique de l’entreprise, estimait que les salariés résistent au changement d’outils numériques dans l’entreprise car ils surévaluent ce qu’ils ont par un facteur 3 et sous-évaluent ce qu’on leur propose de nouveau d’un facteur 3. On ne peut donc conquérir l’adhésion des salariés que si l’on apporte une nouveauté qui n’est pas seulement 5 fois meilleure mais 10 fois meilleure (car supérieure à 3 fois 3, c’est-à-dire 9, pour vaincre la résistance) ! C’est ce qu’il a appelé « le problème du 9 fois ». Aujourd’hui, ces facteurs se sont sans doute inversés : les salariés connaissent bien, souvent avant même qu'on les leur propose, les nouveaux outils, car ils les utilisent déjà à la maison. Ils deviennent ainsi demandeurs et eux-mêmes moteurs du changement.
Le premier pan de la vie du salarié dans l’entreprise à avoir été digitalisé concerne bien sûr ses échanges avec les autres salariés, avec le développement de l’e-mail, à peine après la dématérialisation des documents de travail, textes comme tableurs, et le scan de documents venant de l’ « ancien monde ». Ces premiers acquis de la révolution numérique sont eux-mêmes en train de se transformer.
(…)

Confidentialité de l’entreprise, facilité d’usage et vie privée des salariés

Les limitations et les contraintes de sécurité indispensables à la vie de l’entreprise, comme, en effet, l'impossibilité d'utiliser certaines fonctionnalités des réseaux sociaux ou la limite de la taille de stockage des messages ont parfois conduit les salariés à utiliser de façon non autorisée par l’entreprise des services externes d’e-mails grand public comme Yahoo! et Gmail, entre autres.Les difficultés de connexion au réseau interne de l’entreprise depuis l’extérieur ont aussi conduit des salariés à communiquer à travers ces services d’e-mail grand public des messages à caractère professionnelparfois même en réexpédiant leurs e-mails professionnels sur leurs boîtes publiques. C’est ce qui se passe quand apparaît une concurrence alternative viable et facile aux contraintes des systèmes analogues proposés dans l’entreprise, notamment en raison du besoin de sécurité.
Loin de remettre en cause les exigences de sécurité des entreprises – au moment où les révélations concernant la NSA défraient la chronique – cela doit pousser les dirigeants d’entreprises à instiller une plus grande créativité au sein même de l’entreprise, à niveau de sécurité constant, afin de dissuader les salariés de faire appel aux solutions externes non sécurisées. Les directives hiérarchiques, les firewalls, les sanctions n’ont qu’une efficacité très limitée en la matière. Les fonctions système d’information, sécurité, innovation des entreprises doivent travailler ensemble – au sein par exemple de départements de l’ « innovation salariés » ou de l’ « innovation interne », de même qu’existent depuis longtemps des départements de communication interne – afin de s’assurer que les salariés bénéficient dans leur travail quotidien du même niveau de technologie – au moins ! – que celui dont ils bénéficient dans leur vie privée. Bien sûr, le garde-fou de ces évolutions doit rester le respect de la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle, et l’on doit éviter une forme d’ « entreprisation » de la vie privée à travers le lien de plus en plus permanent du salarié à son travail.
(…)

De l’usine, au bureau, au lieu de travail numérique

Le lieu de travail est ainsi en train de considérablement changer sous l’effet de la poussée transformationnelle du numérique : ce changement est de la même ampleur que la différence qui existe entre le bureau et l’usine. Les dirigeants d’entreprise se doivent de consacrer à cette nouvelle vague de transformation numérique, bien plus brutale que les précédentes, beaucoup plus d’efforts que leurs prédécesseurs qui ont vu arriver dans le bureau d’abord le fax, puis le PC et l’e-mail, et enfin l’Internet et le mobile. L’amélioration de l’expérience salarié par le numérique est une nécessité pour les entreprises de tous les secteurs. Elle est un impératif pour les acteurs de l’industrie numérique comme les opérateurs ou les équipementiers télécoms. Comment expliquer aux salariés qu’ils ne peuvent bénéficier sur leur lieu de travail des produits et services innovants qu’ils sont censés vendre aux entreprises clientes ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire