vendredi 14 mars 2014

"Les communautés sont une source d'innovations pour l'entreprise", explique l’expert en économie collaborative Antonin Léonard

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Antonin Léonard

  Tout le monde veut faire du collaboratif, notamment pour réussir à profiter des contributions des fans d’une entreprise, pour améliorer les produits... Des bonnes intentions aux résultats financiers, la transformation n’est pas aisée et les obstacles nombreux. Antonin Léonard, co-fondateur de la communauté Ouishare nous explique pourquoi cees contributions sont de plus en plus appréciées et comment en faire des alliés aux bénéfices des entreprises.
L’Usine Nouvelle : Vous organisez en mai prochain trois jours de rencontres sur le thème de l’âge des communautés (1). Pourquoi aujourd’hui ?
Antonin Léonard : Les communautés ne sont pas une nouveauté. Ce qui a changé, c’est leur déploiement accéléré grâce à Internet, via les réseaux sociaux qui facilitent la mise en contact avec des personnes qui partagent un centre d’intérêt, une passion, des convictions. Le partage de la connaissance en open source, ainsi que les possibilités d’auto-organisation et de travail collaboratif à très bas coût œuvrent aussi en faveur de leur développement. Résultat : des communautés contributives de production de connaissance (Wikipedia), d’innovation (OuiShare, MakeSense,...) ou encore de fabrication (OS Vehicle, Protei,…) se forment sur Internet, mais aussi autour d’espaces partagés comme les fablab ou les espaces de coworking…
Comment définissez-vous la notion de communauté ?
Le terme est actuellement utilisé pour désigner des réalités très différentes. Stricto-sensu, une communauté est un groupe de personnes qui partage un environnement commun. Mais ne devrait-on pas distinguer une communauté de consommateurs qui ont en commun d’avoir "liké" une marque sur un réseau social bien connu et une communauté créative ou contributive qui implique l’ensemble de ses membres dans la gouvernance, la stratégie, l’allocation des ressources…? C’est entre autre de cela dont nous allons discuter lors du OuiShare Fest.
Pourquoi les entreprises s’intéressent aux communautés aujourd’hui ?
L’objectif d’une entreprise est de créer de la valeur et la valeur se trouve aujourd’hui (notamment) dans les contributions de la multitude, qu’ont analysé avec beaucoup d’à-propos Nicolas Colin et Henri Verdier dans leur livre "l’Age de la Multitude". Plus spécifiquement, les communautés d’innovation, de production de connaissance ou de fabrication open source qui émergent aujourd’hui sont plus agiles et mettent le sens, la durabilité, l’impact social,… avant la recherche du profit. En cela, elles sont une source d’innovation au bénéfice du plus grand nombre. Des nombreuses entreprises bénéficient déjà de ces formes de production en commun comme IBM avec Linux. Les motivations qui sont à l’oeuvre pour des entreprises sont très diverses : mutualiser des coûts de R&D, communiquer sur des engagements en matière de RSE, motiver leurs employés...
Ceux que vous appelez les contributeurs sont-ils prêts à participer bénévolement pour des entreprises qui vont en tirer un bénéfice ?
Tout dépend du type de contribution, la valeur créée n’est pas toujours perçue : quand vous partagez un statut sur Facebook ou Twitter, vous créez de la valeur pour Facebook ou Twitter bénévolement. La valeur de ces sites est directement liée à leur capacité à faire contribuer des millions d’internautes. Et la question du partage de cette valeur créée commence à se poser. On le voit avec le Huffington Post qui a connu une révolte de ses blogueurs bénévoles suite à sa revente à AOL. Dans le cas de Wikipédia, c’est différent : les personnes contribuent volontairement à un projet qui est géré par une fondation. Le contrat social avec les contributeurs est très clair.
Pour une entreprise, qui a un objectif marchand clair, existe-t-il de bonnes manières de faire participer les communautés ?
Tout dépend de l’objectif. Si la problématique est de développer l’agilité ou d’accélérer l’innovation en son sein, faire émerger une communauté ou participer à des communautés existantes peut avoir beaucoup de sens. Dans un premier temps, il s’agit de faire un audit de ses besoins, d’appréhender les bénéfices potentiels à faire contribuer des acteurs extérieurs et d’envisager un partage de la valeur qui bénéficie aux contributeurs.
Quels sont les secrets d’une communauté qui fonctionne bien, qui produit des résultats ?
La collaboration repose sur des leviers de motivations intrinsèques, qui sont multiples et différents pour chacun d’entre nous. On peut néanmoins en signaler quelques-uns plus fréquents comme l’autonomie, le statut lié à un rôle particulier, la possibilité de développer des compétences, une technicité, un savoir faire. Enfin, La possibilité de s’impliquer dans la gouvernance de la communauté renforce également la motivation.
L’émergence et le développement des communautés vont-elles changer le cœur de l’entreprise, son fonctionnement ?
On va assister au renouveau de formes de gouvernance plus coopératives, au développement de structures hybrides intégrant associations à but non lucratif (pour la gouvernance des communs) et entreprises. Je vous renvoie à l’interview de Michel Bauwens sur le site Without Model  sur ces questions.
Propos recueillis par Christophe Bys
(1) La communauté OuiShare organisera la deuxième édition du OuiShare Fest les 5, 6 et 7 Mai prochains.

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