lundi 28 novembre 2011
Dans
un environnement caractérisé à la fois par la crise et par une
concurrence intensifiée et mondialisée, l’innovation constitue un
critère clé pour juger de l’attractivité actuelle et future des
entreprises. A travers l’étude « Open Innovation: What’s Behind the
Buzzword », l’Institut pour l’Innovation et la Compétitivité i7 (1), en
partenariat avec Accenture, identifie 10 tendances-clés en la matière.
En se basant sur des entretiens qualitatifs et sur les travaux
académiques récents sur le sujet, l’Institut pour l’Innovation et la
Compétitivité i7 et Accenture ont cherché à percer la réalité qui se
cache derrière ce terme à la mode
d’Open Innovation. Ils ont
ainsi étudié 20 grandes entreprises internationales de secteurs
différents qui la pratiquent activement afin de stimuler leur
performance globale d’innovation.
Le rapport met en évidence les étapes du processus d’intégration de
l’Open Innovation en 10 tendances-clés :
- L’approche structurée et systématique pour « faire rentrer l’extérieur »
- Le rythme d’adoption rapide : 10 ans entre les pionniers et la diffusion
- Le vivier quasiment illimité de sources externes
- Le choix du degré et d’objet d’ouverture
- L’équilibre entre le nombre et l’intensité des partenariats
- Le pilotage des partenariats
- La nécessité d’investissement
- L’évolution de la culture d’entreprise
- Le pilotage de la performance
- L’impact et les facteurs de succès
L’étude montre que ce concept
d’Open Innovationest à l’origine
d’un profond changement dans l’approche de l’innovation des entreprises,
qui leur permet d’accélérer et d’améliorer leur capacité d’innovation,
d’une manière plus écologique et peut-être plus économe.
L’
Open Innovation se concentre sur la découverte de nouvelles
idées, la réduction des risques, l’exploitation de ressources rares et
paradoxalement l’amélioration de la protection de la Propriété
Intellectuelle. Le business model de
l’Open Innovation est un
critère clé de son succès. La confiance et la capacité d’absorption sont
les principaux ingrédients des situations gagnant-gagnant.
L’
Open Innovation ne peut générer des résultats qu’à condition
que les investissements et le soutien managérial soient à la hauteur et
que la révolution culturelle de l’entreprise soit en marche. L’
Open Innovation ne
doit pas non plus être envisagée comme un substitut à l’innovation
interne. Pour profiter pleinement d’une innovation réalisée en
collaboration avec des partenaires externes, les entreprises doivent
combiner ressources externes et compétences internes.
L’Open Innovation : un accélérateur de croissance dans l’entreprise
Dans un tissu entrepreneurial parfois considéré comme hermétique, ce qui
en revanche peut être vu comme une nouveauté lorsque l’on parle
aujourd’hui
d’Open Innovation, c’est l’effort constant
d’ouverture dont font preuve les entreprises et les approches de plus en
plus expérimentales qu’elles adoptent.
En favorisant la multiplication des partenariats avec des laboratoires universitaires ou indépendants,
l’Open Innovation repense le fonctionnement de l’entreprise. Il s’opère désormais selon un processus en 3 temps :
- l’émergence d’innovations,
- leur développement en interne ou à l’extérieur de l’entreprise,
- et leur intégration dans un processus de valorisation.
* *
*
Les 10 tendances-clés de l’étude
1er constat : Une approche structurée et systématique pour « faire rentrer l’extérieur »
La majorité des entreprises étudiées insiste sur le fait qu’une bonne partie de ce qui est aujourd’hui décrit comme de
l’Open Innovation se
pratiquait bien avant que le terme ne soit inventé. Cependant, bien que
certains éléments existent de longue date, comme l’implication précoce
des fournisseurs dans la conception d’un nouveau produit ou la
collaboration avec des universités pour les laboratoires publics en
matière de recherche,
l’Open Innovation a provoqué un
basculement : on est passés d’approches expérimentales et au cas par cas
à des processus systématiques et fortement structurés qui affectent
l’organisation, les méthodes et les outils de l’innovation.
2e constat : Un rythme d’adoption rapide : 10 ans entre les pionniers de l’Open Innovation et la diffusion
L’Open Innovation est particulièrement développée dans les
secteurs en évolution rapide où l’impératif d’innovation est critique :
les biens de consommation et le high-tech notamment. On a assisté à
trois vagues d’adoption :
- Les innovateurs, au début des années 2000, correspondent aux premières initiatives
d’Open Innovation, déclenchées par le projet « Connect+Develop » de P&G ;
- Les précurseurs, au milieu des années 2000, font partie de la seconde vague rapide de suiveurs dans tous les secteurs ;
- La majorité précoce, au début des années 2010, rassemble la troisième vague avec des entreprises qui se tournent vers l
’Open Innovation dans l’objectif de renouer avec la croissance dans un contexte économique volatile et difficile.
3e constat : Puiser dans un vivier quasiment illimité de sources externes
L’étude souligne la croissance spectaculaire du nombre de sources
externes qu’une entreprise peut potentiellement mobiliser. Si l’on pense
aux fournisseurs, la source externe
d’Open Innovation la plus
citée par nos répondants, onconstate que la mondialisation et le recours
généralisé à des fournisseurs en provenance de pays émergents
élargissentconsidérablement la base de fournisseurs potentiels. De même
avec les universités et les scientifiques.
Pour chacun deses chercheurs, P&G estime qu’il y a 200 autres
scientifiques ou ingénieurs dans le monde tout aussi qualifiés - soit
1,5million de personnes sur lesquelles P&G pourrait s’appuyer. Pour
donner un exemple concret, une entrepriseinterviewée dans l’étude
affirme qu’elle étudie systématiquement les universités chinoises afin
d’identifier les outils etcompétences locaux susceptibles d’être
exploités dans son processus
d’Open Innovation. Ce nombre quasi illimité departenaires engendre bien évidemment des défis opérationnels importants.
4e constat : Choisir le degré et l’objet d’ouverture
Avant de définir leur stratégie
d’Open Innovation, les
entreprises doivent se poser plusieurs questions : Avec qui collaborer ?
Sur quel sujet ? Comment ? A quelle fréquence ? La plupart d’entre
elles choisissent une ouverture progressive tant sur le réseau de
partenaires que sur l’éventail des sujets concernés. En effet,
l’Open Innovation n’est pas forcément synonyme d’ouverture totale et il existe plusieurs types d’ouverture
Il a été identifié trois types d’approches :
-
l’Open Innovation orientée vers certaines thématiques,
-
l’Open Innovation orientée vers certains partenaires
- et l’innovation complètement ouverte.
Les deux premières sont des approchesouvertes mais centrées soit sur des
sujets en ligne avec la stratégie d’innovation de l’entreprise, soit
sur des partenairesspécifiques avec lesquels elle a déjà eu des
collaborations réussies. Quant aux approches totalement ouvertes,
ellessont le fait des entreprises les plus matures qui pratiquent
l’Open Innovation depuis plusieurs années.
La plupart des entreprises interviewées utilisent
l’Open Innovation à
orientation thématique, qui implique d’avoir défini au préalable les
priorités de l’innovation d’avoir des objectifs précis au moment de
contacter et sélectionner les partenaires externes. Une telle approche
permet d’élargir la recherche de nouveaux partenaires en s’intéressant
aux acteurs disposant des compétences complémentaires à celles de
l’entreprise pour atteindre les objectifs visés.
D’autres ont une orientation-partenaire, surtout en R&D, et
cherchent à intensifier leurs relations avec les partenaires existants,
jugés compétents et collaboratifs, dans le but de couvrir ensemble de
plus en plus de sujets. Enfin, les entreprises les plus matures dans la
démarche
d’Open Innovation pratiquent un degré d’ouverture extrême en élargissant l’éventail des sujets et des partenaires concernés. Notons que certaines entreprises pratiquent simultanément plusieurs approches de
l’Open Innovation,
en se concentrant sur quelques sujets pour certains projets, en
cherchant des nouvelles façonsde travailler avec des partenaires
existants sur n’importe quel sujet et en étant complètement ouvertes sur
d’autresprojets.
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e constat : Trouver un équilibre entre le nombre et l’intensité des partenariats
Créer des relations durables et intenses avec un nombre important de
partenaires est difficile, si ce n’est impossible. C’est pourquoi les
entreprises doivent trouver un compromis entre le nombre et l’intensité
des partenariats, c’est-à-dire entre l’élargissement du groupe de
partenaires et l’approfondissement des relations avec un nombre limité
d’entre eux. Comme pour le degré d’ouverture, notre étude montre un
phénomène d’apprentissage des entreprises les plus avancées, qui
élargissent à la fois le profil et l’objet des partenariats. Par
exemple, General Electric a lancé un concours « Ecomagination
Challenge » ouvert à n’importe quel type de partenaires dont des
particuliers, des PME, etc.
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e constat : Piloter les partenariats
La gestion des partenariats est un élément clé du processus d
’Open Innovation et toutes les entreprises ont structuré des processus d’identification, d’attraction et de rétention des partenaires. Pour
l’Open Innovation orientée-sujet,
caractérisée par une forte ouverture sur les partenaires possibles,
l’identification des partenaires peut se faire selon une approche «
partenaire-pull » (via les plateformes d’entreprises ouvertes comme
Innocentive) ou « partenaire-push » (via, par exemple, une structure
interne en charge d’identifier les partenaires potentiels partout dans
le monde).
Trois façons de gérer les partenariats ont été identifiées depuis une
approche au cas par cas jusqu’à un processus très structuré couvrant
toutes les étapes de la relation comme le modèle ‘Want, Find, Get and
Manage’ d’Unilever. Encore une fois, plus les entreprises sont rôdées à
l’Open Innovation,
plus ces processus sont structurés et intégrés. Certaines ont
différencié leur approche en fonction du type de partenaire (les
fournisseurs, les chercheurs, les start-ups…).
7e constat : Ouvert mais pas gratuit
A l’inverse de l’Open Source ou de l’Open bar,
l’Open Innovation n’est
pas gratuite. Tous nos répondants ont investi significativement dans le
sujet à la fois en termes d’organisation, de développement de
compétences et d’outils.
Concernant l’organisation, les entreprises commencent généralement avec
une équipe dédiée afin d’enclencher la démarche et d’attirer l’attention
du management. Ces équipes sont de taille variable, entre quelques
individus et 25 experts.
L’Open Innovation est également un
investissement, et tous les répondants à l’étude, ont acheté des
plateformes collaboratives du type NineSigma (qui a elle seule a été
adoptée par 60% des répondants) afin de stimuler la génération d’idées,
d’en faciliter la collecte et d’impulser des collaborations inter
fonctionnelles et inter organisationnelles.
8e constat : Il ne s’agit pas seulement de nommer un « Directeur de l’Open Innovation »
Faire évoluer les mentalités n’est pas une tâche facile mais cela
s’avère nécessaire pour passer d’une forte résistance aux innovations «
non inventées ici » à un enthousiasme partagé pour les innovations « que
l’on est fier d’avoir trouvées à l’extérieur ». Tous les répondants
considèrent cet enjeu de culture organisationnelle comme le principal
défi de
l’Open Innovation. D’où la nécessité d’une forte gestion du changement.
9e constat : L’Open Innovation ne résout pas le triangle des Bermudes de l’innovation
La dernière partie de l’étude porte sur le pilotage de la performance en
matière d’innovation. L’importance accordée à l’innovation ne se
reflète pas dans la façon dont les entreprises évaluent sa performance :
l’innovation est peu et mal mesurée comme en témoigne la frustration de
nombreuses entreprises à l’égard des indicateurs utilisés. Ainsi, il
était intéressant de voir si l’
Open Innovation a permis une
amélioration en la matière. La réponse est négative et la plupart des
entreprises ont du mal à mettre en place un tableau de bord efficace
pour mesurer la performance de
l’Open Innovation, même
s’ils s’efforcent de mettre en place des indicateurs. Tous les
répondants reconnaissent le travail nécessaire pour améliorer les KPIs
de
l’Open Innovation et de l’innovation en général.
Deux types de mesure de
l’Open Innovation, non exclusives les unes des autres, peuvent être adoptées :
- introduire des KPIs spécifiques à
l’Open Innovation dans le
tableau de bord général de l’innovation (comme le nombre de
partenaires,le pourcentage d’idées réalisées venant de l’extérieur…)
- analyser dans quelle mesure
l’Open Innovation améliore les KPIs habituels l’innovation.
Dans les deux cas, on peut utiliser des indicateurs liés aux inputs, aux
processus et auxoutputs afin de mesurer les efforts, les changements de
processus et les résultats de cette approche.
10e constat : l’Open Innovation, ça marche !
Malgré l’absence d’indicateurs précis et satisfaisant, les entreprises dressent un bilan de leurs pratiques d’
Open Innovation. Elles considèrent que :
-
L’Open Innovation réduit le time to market, contrairement à
l’idée reçue que la collaboration entre différentes organisations prend
du temps, cet avantage en termes de délais procure d’ailleurs un
avantage concurrentiel significatif en gênant la copie par des suiveurs,
surtout pour les PME pas toujours protégées au plan juridique.
-
L’Open Innovation n’est pas moins chère que l’innovation interne, mais permet de mutualiser les risques.
-
L’Open Innovation améliore la protection de la Propriété
Intellectuelle, ce qui peut apparaître comme une conclusion inattendue
de notre étude. Dans un contexte collaboratif, il est impératif
d’expliciter la répartition de propriété intellectuelle entre les
partenaires, ce qui implique de traiter cette question en amont.
-
L’Open Innovation favorise les progrès en matière de développement durable.
-
L’Open Innovation augmente la capacité d’innovation des
entreprises. Elle permet d’innover davantage et stimule ainsi l’économie
de la quantité que constitue l’innovation.
_______
(1) L’Institut pour l’Innovation et la Compétitivité i7, Think Tank
académique créé et porté par ESCP Europe et la Fondation Europe+, a
rendu public le 22 novembre 2011 sur le campus Paris de la grande école
de management et en partenariat avec Accenture, un état des lieux des
pratiques professionnelles en
Open Innovation mené auprès de 20 entreprises internationales.
Pour télécharger le rapport complet
http://www.infodsi.com/articles/125885/etude-i7-accenture-10-tendances-cles-open-innovation.html?key=