A lire sur: http://www.lesechos.fr/opinions/points_vue/0201976891844-quelle-industrie-pour-le-futur-312702.php?xtor=EPR-1500-[idees_debats]-20120416-[s=461370_n=9_c=907_]-409905656@1
L'industrie du futur a parfois été présentée sous
la forme d'entreprises sans usines (« fabless »), centrées sur la
conception et expédiant la production en Asie, à jamais plus
compétitive. En réalité, le coût du travail en Bulgarie est, en 2012,
inférieur au salaire de Foxconn, en Chine. L'inflation salariale y
dépassant 10 %, leurs coûts salariaux approcheraient les nôtres dans
vingt ans. Déjà, des cas de relocalisations sont signalés. Mais il
serait erroné d'y voir le signe d'un retour spontané de l'industrie
d'autrefois, d'abord parce que l'industrie est de plus en plus une
« industrie 2.0 », à la fois plus intégrée, ouverte et distribuée.
Ensuite, parce que son retour dépendra certes d'évolutions
macroéconomiques, mais surtout des choix stratégiques à prendre dans les
années à venir.
Cette industrie 2.0 est
intégrée dans son environnement. Elle offre à la fois des équipements,
des systèmes informatiques et des services destinés à optimiser la
productivité de leurs actifs au contexte spécifique de chaque client
- par exemple le rendement énergétique, le taux d'utilisation d'un bloc
opératoire ou l'efficacité d'un moteur d'avion. Elle intègre davantage
les contraintes environnementales de la production de l'équipement
jusqu'à son recyclage. Loin de la séparation conception-production du
modèle « fabless », ce modèle repose sur le « fabs, labs &
advices », soit une coopération étroite entre centres de production, de
recherche et de services.
Elle est
également intégrée mondialement : la relocalisation en France ira de
pair avec la poursuite d'une logique de « chaîne de valeur mondiale ». A
l'image de l'emploi de l'automobile allemande qui doit la croissance de
son emploi en Allemagne à sa sous-traitance en Europe de l'Est, la
France doit savoir concentrer ses ressources sur les parties de chaîne
de valeur où elle peut être compétitive. Pour gagner des emplois en
France et exporter, il faut à la fois savoir importer judicieusement et
attirer les entreprises capables de positionner la France au bon endroit
de cette chaîne de valeur.
L'industrie
2.0 est ouverte et repose sur des partenariats entre multinationales
(qui savent gérer des volumes importants et accèdent à un marché
mondial) et PME (qui maîtrisent des techniques pointues), entre
entreprises (qui innovent en transformant des idées en euros) et la
recherche publique (qui explore en transformant des euros en idées),
entre l'entreprise et ses clients (qui contribuent à la définition de
nouveaux produits). Pour cela, nous devons améliorer la coopération
recherche-entreprise et les financements associés qui, hormis le crédit
impôt recherche, sont parfois inadaptés aux modes d'innovation des
grands groupes.
Cette industrie est
distribuée dans son architecture. Elle propose moins de gros équipements
et plus de réseaux d'équipements moyens connectés. Ce sont des réseaux
intelligents, qui permettent de tirer meilleur parti de sources
d'énergies, telles que le vent, le solaire ou la cogénération, ou les
systèmes qui permettent de faire communiquer des équipements médicaux
entre eux et avec les médecins.
A
l'image de l'Allemagne dans les machines-outils ou de la France dans les
moteurs d'avion, les turbines à gaz ou le matériel médical,
l'industrie 2.0 offre un potentiel considérable. Pour le réaliser, nous
devrons cependant nous doter d'une stratégie de « croissance créative »
visant d'abord la disponibilité de facteurs de production compétitifs
(capital, talents, énergie, services publics...), ensuite, la simplicité
pour les entreprises à combiner ces facteurs entre eux et avec des
composantes importées de façon innovante (simplicité du droit, création
d'entreprises, attractivité pour les multinationales, facilitation des
partenariats...) et, enfin, l'accès à une demande forte (ouverture
commerciale européenne et mondiale). Autrement dit, elle devra assurer
une terre fertile plutôt que de décréter quels arbres doivent être
plantés !
Vincent Champain est économiste, directeur
chez General Electric et animateur de l'observatoire du long terme de
l'Institut de l'entreprise
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