A lire sur: http://www.pcinpact.com/news/69623-hadopi-sacd-pascal-rogard.htm
Pascal & Christine
« Hadopi, c’est une œuvre de collaboration ! ».
Pascal Rogard nous a reçus voilà quelques jours au siège cossu de la
SACD, rue Ballu, à Paris. L’objet ? Nous conter la conception de la loi
Hadopi en France, bien avant sa gestation dans les mains de la mission
Olivennes et son accouchement, dans la douleur que l’on sait, au
Parlement. Voilà une petite synthèse de cette rencontre, accompagnée de
commentaires et documents d'époque.
« C’est faux de dire que c’est Sarkozy qui a inventé la réponse graduée, c’est faux ! » nous assure tout de go Pascal Rogard, à peine installé dans son fauteuil Eames. Le directeur général de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques date la conception de la Hadopi bien avant les travaux parlementaires de la loi DADVSI. De fait, c’est ici, à la SACD qu’ont été posées sur le papier les premières briques de la riposte graduée. Un dispositif pour l’industrie de la création rédigé par l’industrie de la création mais financé par le budget public.
Les premières briques de la Hadopi ont été moulées au fil de discussions entreprises dès septembre 2004. « On a terminé ces échanges six mois avant l’épisode de DADVSI », texte en discussion fin 2005 à l’Assemblée nationale. « Il y avait à l’époque des bagarres épouvantables entre les FAI et la musique. Les FAI étaient en phase de conquêtes de marché, le monde de la musique les accusait de vouloir gagner des abonnés en vendant des abonnements permettant de pirater. Les relations étaient très violentes ». Et Pascal Rogard nous l’assure : Hadopi est née de son initiative.
« On s’est réuni pendant plusieurs mois le lundi matin en prenant le petit déjeuner ici, à 8h30 ». Les marges de manœuvre étaient étroites : « les FAI étaient gênés de dégrader leur relation client en faisant des opérations de police pour lesquelles ils estimaient ne pas être faits ». Autre crainte, les fournisseurs d'accès ne voulaient pas de dispositifs contractuels pour instaurer ce dispositif, préférant le passage par la loi. Et pour cause, toucher directement au contrat, c’était prendre un risque hémorragique : celui de rouvrir ces abonnements et donc permettre aux abonnés de changer d’opérateur.
« C’est donc là qu’on a conçu le mécanisme de réponse graduée. Nous étions dans la définition de principe, celle où il fallait construire des étages qui allaient jusqu’à une clause pénale. Il n’y avait pas de suspension d’accès. On a en tout cas imaginé les mails, la lettre recommandée et en dernier recours, la riposte graduée, une amende de quelques dizaines d’euros ». Déjà les discussions avec les FAI se cristallisaient sur la question des coûts (qui paye la lettre recommandée ? etc.) « Mais derrière, on était d’accord sur un système d’amende lequel dépendait du gouvernement ». Tout le monde était d’accord, affirme encore Pascal Rogard. Tout le monde ou presque puisque Free ne participait pas à ces discussions entre intermédiaires et ayants droit.
Il est signé notamment de l’ARP (auteurs réalisateurs producteurs) le SEV (syndicat de l’édition vidéo) le BLIC (Bureau de Liaison de L’industrie Cinématographique)la SCAM Société Civile des Auteurs Multimédia, la PROCIREP (Société des Producteurs de Cinéma et de Télévision) l’ALPA (Association de Lutte contre la Piraterie Audiovisuel) CANAL+ ou encore... de la SACD. Que proposait alors la profession en ce début d'année 2005 ? Tout simplement, d'instaurer une riposte graduée pour les internautes « simples » contrefacteurs, envisagée comme suit :
1. envoi d’un ou plusieurs messages d’avertissement ;
2. réduction du débit permettant à l’internaute de continuer à utiliser les fonctions d’Internet à l’exception du téléchargement ;
3. suspension de l’abonnement ;
4. résiliation de l’abonnement ;
Et en plus de la mise en œuvre des mesures permettant la riposte graduée, ces mêmes professionnels de l'audiovisuel voulaient "orienter prioritairement les actions pénales vers les personnes :
Le communiqué est intéressant puisqu'il esquissait le BA-B.A de la future Hadopi : "la
contrefaçon numérique risquant de s’amplifier avec le développement du
très haut débit, il convient, dans un premier temps, d’insérer ces
éléments de riposte graduée dans les conditions générales de vente des
contrats d’abonnement à l’ADSL très haut débit.Bien évidemment, afin
d’offrir toutes les garanties nécessaires, l’acte de contrefaçon d’une
œuvre sera constaté par un agent assermenté et sa notification au FAI se
fera selon une procédure précise. Parallèlement, pour une réelle
efficacité, les FAI doivent appliquer ces sanctions dès réception du
constat de contrefaçon. Ces dispositions permettront de limiter les
risques que représentent les offres ADSL2+, tout en apportant une
réponse proportionnée au problème de la contrefaçon numérique". Nous étions loin alors des débits offerts par la fibre...
On trouve une manifestation de cet épisode dans les débats parlementaires. Le 20 décembre 2005, en bon politicien, Renaud Donnedieu de Vabre prendra même à son compte cet accord devant les députés : « j’ai moi-même engagé le dialogue entre les professionnels du cinéma, de la télévision et de l’internet. La concertation que j’ai menée avec beaucoup de tranquillité, mais aussi de persévérance et d’énergie a abouti cet après-midi à la signature d’un accord sur le cinéma à la demande ». L’accord devait être épaulé d’un amendement gouvernemental, mais le document sera retiré en commission, le chantier de la DADVSI étant jugé déjà très ambitieux...
Les rares traces parlementaires de ces discussions entre FAI et acteurs peuvent se retrouver dans cette disposition de la loi DADVSI inscrite à l’article 24 de la loi DADVSI qui promettait des contraventions pour les échanges non autorisés sur les réseaux P2P.
La suite est connue : l’article 24 sera dégommé par le Conseil constitutionnel puisque, en ligne ou ailleurs, une contrefaçon reste une contrefaçon. Elle doit donc subir le même traitement sauf à violer le principe d’égalité devant la loi pénale. Pascal Rogard : « l’esprit du projet n’était pas d’aggraver les sanctions, mais de trouver une formule adaptée dans le cadre respectueux de la légalité internationale… »
L’article 14 ter A servira, lui, de socle pour Hadopi : le texte de la DADVSI prévoyait une obligation de sécurisation sans conséquence pénale en cas de négligence. Hadopi viendra ajouter ce wagon sanctionnateur pour terminer le chantier. Avec Nicolas Sarkozy et Olivier Henrard comme chef des travaux, très à l'écoute des intérêts de cette industrie.
Témoignages de cette approche radar de la musique, notre interview de Pascal Nègre ou cette actualité de 2006 sur la SPPF, et plus tôt encore, le fameux rapport Gilles Kahn de 2005 (PDF). Le SNEP avait d'ailleurs été très en avance dans ses travaux comme le montre ce rapport confidentiel commandé par les majors à Capgemini où cette dernière évaluait le coût du filtrage du réseau en France à 2,82 €HT par abonné à l'aide d'une solution américaine, signée Allot.
La musique ne parle cependant pas d'une même voix comme voudrait nous le faire croire Rogard. On se souvient en effet que plusieurs fois la SACEM a marqué ses doutes sur Hadopi, préférant la voie de la taxation des intermédiaires technqiues. L'histoire a donné raison à la SACEM puisqu'Hadopi peine encore et toujours à justifier son existence, alors que le sujet de la taxation revient en force.
Rien de tout cela. « Le dispositif est moqué pour des raisons politiciennes » croit savoir son directeur général. Dans le groupe socialiste, les députés Bloche, Mathus et Paul ont décidé d’en faire un débat politicien, faire de cette question un marqueur de la politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy ! Prenez le même débat au Sénat, il s’est très bien passé dans un climat qui n’a rien à voir !» Bref, la faute à trois gus dans un hémicycle. « Aujourd’hui il y a plus d’internautes électeurs que de créateur ». Et jamais assez d'internautes consommateurs pour combler l'appétit de cette industrie ?
À quelques marches du rendez-vous électoral, la SACD anticipe les effets d'un éventuel sacrifice d’Hadopi sur l’autel de la présidentielle. Que l'entourage d'Hollande favorable à l'abrogation le tienne pour dit : « On peut supprimer Hadopi, mais on en reviendra alors au système classique…celui de la loterie. » Une loterie qui a surtout pour grand défaut d’être très onéreuse pour les ayants droit. Et une loterie que n’a pas supprimée Hadopi puisqu’aujourd’hui l’industrie du cinéma transmet chaque jour, 1 dossier sur les 25 000 que flashe TMG. Un rythme jamais atteint avant la mise en oeuvre de la réponse graduée en France. Un traitement de masse du net qui permet de sulfater du droit pénal qu'on échange 1000 fichiers ou... un seul MP3 surveillé.
On reste en tout cas surpris de voir Rogard impliquer tous les acteurs (dont les FAI) dans la gestation d'Hadopi et être aujourd'hui l'un des seuls avec les producteurs à s'émouvoir de sa possible disparition.
« En tout cas, sur l’offre légale, le gouvernement n’a pas été à la hauteur pour imposer un effet miroir à la réponse graduée et rendre l’offre attractive » juge Rogard. La balle est maintenant dans le camp des candidats quand le révolver de la suspension reste lui sur la tempe des abonnés.
« C’est faux de dire que c’est Sarkozy qui a inventé la réponse graduée, c’est faux ! » nous assure tout de go Pascal Rogard, à peine installé dans son fauteuil Eames. Le directeur général de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques date la conception de la Hadopi bien avant les travaux parlementaires de la loi DADVSI. De fait, c’est ici, à la SACD qu’ont été posées sur le papier les premières briques de la riposte graduée. Un dispositif pour l’industrie de la création rédigé par l’industrie de la création mais financé par le budget public.
Jacques Toubon (Hadopi) Pascal Rogard (SACD) Nicolas Seydoux (Gaumont-Alpa)
Les premières briques de la Hadopi ont été moulées au fil de discussions entreprises dès septembre 2004. « On a terminé ces échanges six mois avant l’épisode de DADVSI », texte en discussion fin 2005 à l’Assemblée nationale. « Il y avait à l’époque des bagarres épouvantables entre les FAI et la musique. Les FAI étaient en phase de conquêtes de marché, le monde de la musique les accusait de vouloir gagner des abonnés en vendant des abonnements permettant de pirater. Les relations étaient très violentes ». Et Pascal Rogard nous l’assure : Hadopi est née de son initiative.
Des discussions organisées à la SACD
À l’époque, France Télécom se lançait dans les programmes. Parmi les autres acteurs, on trouvait Cegetel (Vivendi-Canal), Alice ou encore AOL. « Je leur ai dit : voyons-nous, et essayons de réfléchir pour faire des choses dans l’intérêt général plutôt que de s’échanger des insultes ». Une série de réunions a donc été organisée à la SACD avec notamment Michel Gomez pour l’ARP, Giuseppe Di Martino, alors directeur juridique d'AOL, Idzard Van Der Puy de la Procirep (société des producteurs de cinéma et de télévision), « et de temps en temps, Me Souliez, avocat des majors américaines et de l’ALPA. »« On s’est réuni pendant plusieurs mois le lundi matin en prenant le petit déjeuner ici, à 8h30 ». Les marges de manœuvre étaient étroites : « les FAI étaient gênés de dégrader leur relation client en faisant des opérations de police pour lesquelles ils estimaient ne pas être faits ». Autre crainte, les fournisseurs d'accès ne voulaient pas de dispositifs contractuels pour instaurer ce dispositif, préférant le passage par la loi. Et pour cause, toucher directement au contrat, c’était prendre un risque hémorragique : celui de rouvrir ces abonnements et donc permettre aux abonnés de changer d’opérateur.
« C’est donc là qu’on a conçu le mécanisme de réponse graduée. Nous étions dans la définition de principe, celle où il fallait construire des étages qui allaient jusqu’à une clause pénale. Il n’y avait pas de suspension d’accès. On a en tout cas imaginé les mails, la lettre recommandée et en dernier recours, la riposte graduée, une amende de quelques dizaines d’euros ». Déjà les discussions avec les FAI se cristallisaient sur la question des coûts (qui paye la lettre recommandée ? etc.) « Mais derrière, on était d’accord sur un système d’amende lequel dépendait du gouvernement ». Tout le monde était d’accord, affirme encore Pascal Rogard. Tout le monde ou presque puisque Free ne participait pas à ces discussions entre intermédiaires et ayants droit.
Quand ALPA, SACD, ARP & co étaient pour la suspension et même la résiliation
Des amendes, mais pas de suspension ? Tout le monde n'était pas cependant opposé à la coupure temporaire, voire définitive. En témoigne ce communiqué datant de janvier 2005 supprimé du site de la SACD, mais que nous avons précieusement archivé.Il est signé notamment de l’ARP (auteurs réalisateurs producteurs) le SEV (syndicat de l’édition vidéo) le BLIC (Bureau de Liaison de L’industrie Cinématographique)la SCAM Société Civile des Auteurs Multimédia, la PROCIREP (Société des Producteurs de Cinéma et de Télévision) l’ALPA (Association de Lutte contre la Piraterie Audiovisuel) CANAL+ ou encore... de la SACD. Que proposait alors la profession en ce début d'année 2005 ? Tout simplement, d'instaurer une riposte graduée pour les internautes « simples » contrefacteurs, envisagée comme suit :
1. envoi d’un ou plusieurs messages d’avertissement ;
2. réduction du débit permettant à l’internaute de continuer à utiliser les fonctions d’Internet à l’exception du téléchargement ;
3. suspension de l’abonnement ;
4. résiliation de l’abonnement ;
Et en plus de la mise en œuvre des mesures permettant la riposte graduée, ces mêmes professionnels de l'audiovisuel voulaient "orienter prioritairement les actions pénales vers les personnes :
qui introduisent les œuvres protégées sur les réseaux sans autorisation des titulaires de droits
qui tirent un bénéfice commercial de la contrefaçon numérique ;
qui échangent de manière substantielle des œuvres protégées sur les réseaux sans autorisation des titulaires de droits
Feu vert conditionné à l'offre légale
« On a dû finir ces discussions vers le mois de juin 2005, poursuit Pascal Rogard. Les FAI nous ont dit être d’accord à condition que l’offre légale soit renforcée ». Renforcée ? « Ils demandaient à l’époque que l’offre légale de la VOD à l’acte soit ramenée à 6 mois au lieu de 7 mois et demi ou 9 mois ». L'accord sur la VOD est cependant passé in extremis. En raison de la résistance des mastodontes du secteur, il fut validé seulement quelques heures avant l’ouverture des débats DADVSI à l’Assemblée nationale.On trouve une manifestation de cet épisode dans les débats parlementaires. Le 20 décembre 2005, en bon politicien, Renaud Donnedieu de Vabre prendra même à son compte cet accord devant les députés : « j’ai moi-même engagé le dialogue entre les professionnels du cinéma, de la télévision et de l’internet. La concertation que j’ai menée avec beaucoup de tranquillité, mais aussi de persévérance et d’énergie a abouti cet après-midi à la signature d’un accord sur le cinéma à la demande ». L’accord devait être épaulé d’un amendement gouvernemental, mais le document sera retiré en commission, le chantier de la DADVSI étant jugé déjà très ambitieux...
Les rares traces parlementaires de ces discussions entre FAI et acteurs peuvent se retrouver dans cette disposition de la loi DADVSI inscrite à l’article 24 de la loi DADVSI qui promettait des contraventions pour les échanges non autorisés sur les réseaux P2P.
Article 24 de la loi DADVSI
Et n'oublions pas l’article 14 ter A de cette même loi DADVSI qui dit que...Après l'article L. 335-10 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un article L. 335-11 ainsi rédigé : Art. L. 335-11. - Les dispositions du présent chapitre [qui sanctionne la contrefaçon, NDLR] ne sont pas applicables à la reproduction non autorisée, à des fins personnelles, d'une œuvre, d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme protégés par un droit d'auteur ou un droit voisin et mis à disposition au moyen d'un logiciel d'échange de pair à pair.
Elles ne s'appliquent pas non plus à la communication au public, à des fins non commerciales, d'une œuvre, d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme au moyen d'un service de communication au public en ligne, lorsqu'elle résulte automatiquement et à titre accessoire de leur reproduction dans les conditions visées au premier alinéa.
Les actes visés aux deux premiers alinéas constituent des contraventions prévues et réprimées par décret en Conseil d'État.
Une application du principe juridique selon lequel « on est responsable des choses qu’on a sous sa garde » commente Pascal Rogard qui tient à bien insister sur ce consensus entre créateurs et opérateurs : « La riposte graduée est née d’une discussion entre les opérateurs internet et les professionnels du cinéma et de l’audiovisuel. Il y a eu des avatars et des changements dans la suite des évènements, mais je le dis et redis cent fois, nous n’avons pas eu l’idée de la suspension de l’accès internet, idée que rejetaient les FAI. Leur métier est de raccorder les gens non de suspendre leurs accès ». Rogard en oublie encore le communiqué de janvier 2005 qui montre que c'est bien la SACD qui a porté la suspension.« le titulaire d'un accès à des services de communication au public en ligne doit veiller à ce que cet accès ne soit pas utilisé à des fins de reproduction ou de représentation d'œuvres de l'esprit sans l'autorisation des titulaires des droits (…)en mettant en œuvre les moyens de sécurisation qui lui sont proposés par le fournisseur de cet accès (…) ».
La suite est connue : l’article 24 sera dégommé par le Conseil constitutionnel puisque, en ligne ou ailleurs, une contrefaçon reste une contrefaçon. Elle doit donc subir le même traitement sauf à violer le principe d’égalité devant la loi pénale. Pascal Rogard : « l’esprit du projet n’était pas d’aggraver les sanctions, mais de trouver une formule adaptée dans le cadre respectueux de la légalité internationale… »
L’article 14 ter A servira, lui, de socle pour Hadopi : le texte de la DADVSI prévoyait une obligation de sécurisation sans conséquence pénale en cas de négligence. Hadopi viendra ajouter ce wagon sanctionnateur pour terminer le chantier. Avec Nicolas Sarkozy et Olivier Henrard comme chef des travaux, très à l'écoute des intérêts de cette industrie.
La musique favorable à l'approche radar, automatisée
Après DADVSI, Christine Albanel chargera ainsi de mission Denis Olivennes pour la mise en place de cette riposte graduée, rapidement revernie en "réponse graduée", plus fleurie, moins guerrière, mais qui reste dans la même logique. « La musique à l’époque était plutôt favorable à un système de filtrage ou un système automatique, l’approche radar. Nous, nous n’allions pas jusque-là » temporise Pascal Rogard, oubliant encore le communiqué de janvier 2005 où le cinéma réclamait la résiliation des contrats d'abonnement.Témoignages de cette approche radar de la musique, notre interview de Pascal Nègre ou cette actualité de 2006 sur la SPPF, et plus tôt encore, le fameux rapport Gilles Kahn de 2005 (PDF). Le SNEP avait d'ailleurs été très en avance dans ses travaux comme le montre ce rapport confidentiel commandé par les majors à Capgemini où cette dernière évaluait le coût du filtrage du réseau en France à 2,82 €HT par abonné à l'aide d'une solution américaine, signée Allot.
La musique ne parle cependant pas d'une même voix comme voudrait nous le faire croire Rogard. On se souvient en effet que plusieurs fois la SACEM a marqué ses doutes sur Hadopi, préférant la voie de la taxation des intermédiaires technqiues. L'histoire a donné raison à la SACEM puisqu'Hadopi peine encore et toujours à justifier son existence, alors que le sujet de la taxation revient en force.
Musique et audiovisuel, l'harmonie
Revenons aux accords de l’Élysée. Avec ces accords, estime le patron de la SACD, « la musique a finalement accepté notre riposte graduée. Olivennes avait obtenu l’accord de tout le monde, y compris de Free. Moi j’ai le souvenir très précis de Xavier signant ces accords devant le président de la République ». Un engagement que Xavier Niel a pourtant toujours nié et combattu.Trois gus dans un hémicycle
Sur l'actualité récente, comment la SACD explique-t-elle que le texte soit toujours et encore si décrié ? Cette justice industrialisée, sur cadran ? La notion de sécurisation de l’accès internet, si fumeuse ? La mise en place rampante du filtrage ? La lente asphyxie des échanges hors marché ? Ces internautes appelés à devenir avant tout des consommateurs ?Rien de tout cela. « Le dispositif est moqué pour des raisons politiciennes » croit savoir son directeur général. Dans le groupe socialiste, les députés Bloche, Mathus et Paul ont décidé d’en faire un débat politicien, faire de cette question un marqueur de la politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy ! Prenez le même débat au Sénat, il s’est très bien passé dans un climat qui n’a rien à voir !» Bref, la faute à trois gus dans un hémicycle. « Aujourd’hui il y a plus d’internautes électeurs que de créateur ». Et jamais assez d'internautes consommateurs pour combler l'appétit de cette industrie ?
À quelques marches du rendez-vous électoral, la SACD anticipe les effets d'un éventuel sacrifice d’Hadopi sur l’autel de la présidentielle. Que l'entourage d'Hollande favorable à l'abrogation le tienne pour dit : « On peut supprimer Hadopi, mais on en reviendra alors au système classique…celui de la loterie. » Une loterie qui a surtout pour grand défaut d’être très onéreuse pour les ayants droit. Et une loterie que n’a pas supprimée Hadopi puisqu’aujourd’hui l’industrie du cinéma transmet chaque jour, 1 dossier sur les 25 000 que flashe TMG. Un rythme jamais atteint avant la mise en oeuvre de la réponse graduée en France. Un traitement de masse du net qui permet de sulfater du droit pénal qu'on échange 1000 fichiers ou... un seul MP3 surveillé.
On reste en tout cas surpris de voir Rogard impliquer tous les acteurs (dont les FAI) dans la gestation d'Hadopi et être aujourd'hui l'un des seuls avec les producteurs à s'émouvoir de sa possible disparition.
L'offre légale, le miroir absent au volet répressif
Rogard reste malgré tout impatient. « Le travail de la Hadopi c’est aussi la promotion de l’offre légale. Avertir les gens n’a d’intérêt que si l’offre légale est attractive, constructive et intéressante. Or sur cette partie, toutes nos contributions sont bloquées ! Nous avons des réunions sur la chronologie des médias pour assouplir les règles selon les entrées des films, mais il y a des blocages et des résistances ». Depuis lors, Canal+ a cependant accepté de ramener à 22 mois au lieu de 36 la chronologie des médias pour la SVOD des films d'art et d'essai. Maigre avancée près de trois ans après le vote d'Hadopi.« En tout cas, sur l’offre légale, le gouvernement n’a pas été à la hauteur pour imposer un effet miroir à la réponse graduée et rendre l’offre attractive » juge Rogard. La balle est maintenant dans le camp des candidats quand le révolver de la suspension reste lui sur la tempe des abonnés.
Marc Rees le 17 mars 2012 à 10:10
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