mercredi 28 septembre 2011

SEO : personnalisation des résultats, Graal ou enfer ?

© Fotolia Kromosphere
Les moteurs de recherche, et notamment celui de Google, veulent améliorer la pertinence de leurs résultats en puisant dans les réseaux sociaux de leurs utilisateurs. Une manœuvre qui ne fait pas toujours l'unanimité.

Les moteurs de recherche, et notamment celui de Google, veulent améliorer la pertinence de leurs résultats en puisant dans les réseaux sociaux de leurs utilisateurs. Une manœuvre qui ne fait pas toujours l'unanimité.

les moteurs de recherche veulent personnaliser leurs résultats en s'appuyant sur
Les moteurs de recherche veulent personnaliser leurs résultats en s'appuyant sur les réseaux sociaux de l'utilisateur. © Fotolia

"Google essaye de deviner quel est votre compte Twitter et vous pose la question directement depuis ses pages de résultats. Si vous répondez 'oui', c'est le début de l'enfer", explique Aurélien Bardon, consultant en référencement au sein de sa société Oseox, dans un billet sur son blog. Ce dernier montre comment les pages de résultats de Google, et notamment la première, la plus importante, sont bouleversées par cette personnalisation, "pour un nombre de recherches incroyable sur le moteur" et sur "des expressions clés parfois très concurrentielles"

Non seulement la page Web twittée par un contact va venir se hisser parmi les premiers résultats, mais la photo du contact apparaîtra sous le lien dans les SERPs, lui donnant encore plus de visibilité. Et cela ne fonctionne pas uniquement avec Twitter : Quora, ou les abonnements aux flux RSS de Google Reader peuvent aussi venir métamorphoser les pages de résultats, entre autres.

Personnalisation des SERP non pertinente

En tant que professionnel du référencement, Aurélien Bardon a bien noté que la personnalisation des SERPs de Google est déjà une réalité, même pour ceux qui n'ont pas de compte gmail, mais "cela s'est accentué, et la mauvaise expérience que je relate a montré que cela concernait beaucoup de requêtes, et, le plus gênant, c'est que cela n'est pas toujours bien fait, dans la mesure où certains résultats sont démesurément mis en valeur sur des expressions clés où ils ne sont pas pertinents".

aurélien bardon, consultant en référencement au sein de sa société oseox
Aurélien Bardon, consultant en référencement au sein de sa société Oseox © A.Bardon

Problème supplémentaire pour cet expert du référencement : l'un de ses contacts, travaillant également dans le même secteur, a partagé un annuaire. Or ce dernier recense des sociétés dans de nombreux secteurs, ce qui multiplie les cas où les pages de résultats Google seront personnalisées, faisant remonter très haut des résultats normalement très enfouis.

Enfin, l'expert en référencement estime qu' "avec les contacts sur gmail, le bouton+1, Twitter, le partage sur Facebook, et maintenant Google+, entre autres, cela commence à faire beaucoup trop".


La personnalisation des pages de résultats est devenue un thème de plus en plus récurrent dans les annonces et blogs officiels de Google : "Nous voulons vous aider à trouver l'information la plus pertinente possible, personnalisée selon vos intérêts et les gens que vous aimez", indiquait Google, en février dernier, à l'heure d'annoncer une mise à jour de son projet de Social Search, introduit en 2009.


Voulant aider à trouver les réponses les plus pertinentes, Mountain View annonçait alors mélanger dans ses SERPs les résultats "normaux" avec ceux mis en valeur par les contacts de l'utilisateur des services Google. Flick'r, Blogger, YouTube, mais aussi Twitter étaient alors les services cités qui devaient permettre à l'utilisateur consentant d'obtenir des résultats personnalisés et, donc, supposés plus pertinents par Mountain View.

dans la course à la personnalisation de ses serps, qui l'oppose à google,  bing
Dans la course à la personnalisation de ses SERPs, qui l'oppose à Google, Bing peut s'appuyer sur le partenariat Facebook/Microsoft. © Montage

A noter que depuis quelques années, la fréquence des billets tagués "personnalisation" sur le blog officiel de Google s'est notoirement accélérée. Rares sont les mois où Mountain View n'annonce pas pousser un peu plus loin la personnalisation de ses services : Blogger, Google News, Google Product, page d'accueil, ou encore, possibilité d'empêcher d'afficher des résultats dans des SERPs, là encore personnalisées.


Personnalisation des résultat : la surenchère entre Bing et Google

Google n'est pas le seul moteur à afficher un intérêt grandissant pour la personnalisation des résultats, notamment grâce aux réseaux sociaux. Grâce à son partenariat avec Facebook, Microsoft a pu puiser profondément dans les données de ce réseau social. Redmond fait ostensiblement remonter dans les résultats de Bing les contenus aimés (bouton "like") par les contacts de l'utilisateur sur Facebook. Microsoft n'a d'ailleurs pas hésité à communiquer de manière exhaustive sur chacune de ses avancées en la matière : "Bing met l'accent sur Facebook" en octobre 2010, puis "Bing favorise encore plus les contenus de Facebook" en février 2011et "Bing renforce la personnalisation de ses résultats", en mai dernier)

A chaque fois, Microsoft utilisait peu ou prou les mêmes arguments que Google : il s'agissait de "rendre la recherche plus sociale et donc plus pertinente", afin de "prendre de meilleures décisions". Microsoft, annonçait d'ailleurs que ces différentes annonces s'inscrivaient dans un projet de longue haleine.


Cette quête de la personnalisation des résultats s'est accompagné, côté Google, du lancement de plusieurs fonctionnalités pensées pour donner aux utilisateurs la possibilité d'apprécier et de partager un contenu : Google Buzz, puis le bouton +1, puis aujourd'hui Google +, auxquels il faut aussi ajouter le Retweet et autres Like de Facebook. "Avec tous ces boutons, les sites vont commencer à ressembler à des sapins de Noel. Il est difficilement imaginable que tous les boutons soient pérennisés", a estimé l'expert SEO David Degrelle, président de l'agence 1ère position, au cours d'une conférence justement appelée "La Guerre des Boutons".

Enjeux et impacts pour le SEO

En termes de référencement naturel l'enjeu est de taille. Toutes ces liaisons entre réseaux sociaux et moteur de recherche sont autant de fonctionnalités qui peuvent transformer les pages de résultats. Or, Google, notamment, multiplie les tentatives pour relier le plus de services... et de contacts. "Les amis de vos amis sont aussi les amis de Google", fait remarquer David Degrelle, qui rappelle que Google s'est même fait attaqué en justice pour ne pas avoir respecté la vie privée de ses utilisateurs en concevant Google Buzz.

sur google.com, l'autocomplétion du moteur associe encore google buzz à procès
Sur Google.com, l'autocomplétion du moteur associe encore Google Buzz à procès (lawsuit)... © Capture

Si Google Buzz a fait un flop, et que Google+ est encore trop récent pour en mesurer l'impact sur le référencement, quid du bouton + 1 ? "Nous manquons encore de recul", prévient David Degrelle, "mais il est difficile de ne pas imaginer que certains vont essayer d'en profiter et de détourner le bouton+1, en appuyant massivement dessus pour valoriser artificiellement un contenu. Il n'est donc pas impossible que le signal envoyé au moteur par ce bouton soit modéré". Des sites commercialisent déjà en effet 2 000 "+1" actionnés discrètement par des humains et non des robots", pour 170 dollars.

De son côté, Aurélien Bardon ne pense pas qu'une plus forte personnalisation des résultats, grâce aux réseaux sociaux, soit forcément néfaste, pour l'utilisateur comme pour le référenceur, mais il y a selon lui "un juste milieu à trouver et il y a peut-être des requêtes qui s'y prêtent mieux que d'autres".


alexandre diehl est avocat au barreau de paris et de luxembourg.
Alexandre Diehl est avocat au Barreau de Paris et de Luxembourg. © Lawint

JDNSolutions. Quelles données sont collectées par le moteur de recherche de Google ?

Alexandre Diehl (Cabinet Lawint). Dans le cas de Google, mais aussi des autres moteurs de recherche ou des réseaux sociaux, les conditions générales d'utilisation précisent ce qui est collecté.

Lorsqu'un utilisateur du moteur de Mountain View est connecté à son compte Gmail Google collecte à peu près tout : habitudes, recherches, navigation, etc.... Et quand il n'est pas connecté à son compte Gmail, également à peu près tout, mais ces données ne sont alors pas associées à une personne, mais à un profil. [NDLR Il ne s'agit pas uniquement d'adresses IP. Dans le cas des cookies, des informations sur l'historique de navigation sont stockées dans l'ordinateur et reliées à un navigateur. Google indique également collecter et utiliser les signaux GPS transmis par mobile, entre autres].

A noter que pour utiliser le moteur de Google, l'utilisateur n'a pas à cocher une case pour signaler son accord avec ces conditions : l'utilisation du service vaut pour accord (cf. Conditions d'utilisation Google paragraphe 2.1). L'accord est donné par défaut, tout comme les navigateurs collectent les informations via cookies également par défaut

Que dit la loi concernant l'usage de ces données ?

En France, la loi "Informatique et Libertés" de 1978 pose les principes directeurs de collecte, traitements et transferts des données personnelles. Ces données doivent être collectées de manière loyale et pour une / des finalité(s) déterminée(s). Elles doivent aussi être proportionnées à la finalité poursuivie. Il doit également être possible de savoir quelles données sont collectées, ce que Google respecte. D'autres lois sont ensuite venues s'ajouter. Des directives européennes ont également vu le jour. La loi française de 1978 a d'ailleurs été une source d'inspiration très visible de la directive européenne de 1995.

Mais elles n'ont pas eu beaucoup d'impact sur le fonctionnement du moteur. Le business model de Google est bâti en partie sur cette collecte de données. Les données collectées peuvent aussi être utilisées à des fins commerciales (publicité ciblée par exemple) voire être revendues à des tiers, sous certaines conditions (notifier préalablement à la Cnil, notamment), ce que Google fait également.

L'usage qu'en fait le moteur de Google n'a jamais été attaqué ?

Ces pratiques de Google, et de son moteur, n'ont pas été sans provoquer de vives réactions... (lire la suite de l'interview, page suivante)


JDNSolutions. L'usage que fait le moteur de Googledes données personnelles n'a jamais été attaqué ?

Alexandre Diehl (Cabinet Lawint). Ces pratiques de Google, et de son moteur, n'ont pas été sans provoquer de vives réactions. Le groupe de l'article 29, soit le groupe des CNIL européennes, composé des autorités de l'Union européenne chargées de la protection des données, a notamment pu faire entendre sa voix.

Sous l'impulsion allemande notamment, car les Allemands sont encore plus vigilants que nous en matière de données personnelles, il a été estimé que conserver 24 mois les données collectées, comme Google pouvait alors le faire, était trop long. 6 mois étaient recommandés. Google est non seulement venu à la table des négociations, mais a aussi accepté de baisser la durée de conservation de ces données de 12 à 9 mois. C'est peut être peu, mais cela montre qu'il est possible de faire fléchir Google.

"Les principes européens de protection des données personnelles sont donc déjà appliqués outre-Atlantique."

Le problème, c'est que l'utilisation des cookies ou des données personnelles fait partie intégrantes du business model de Google. Et si l'Europe dispose d'une législation de protection de la vie privée, ce n'est pas du tout la même chose aux Etats-Unis, qui ne connaissent pas la protection de la vie privée comme nous. Je pense que les lois vont avoir aujourd'hui du mal à contrer un géant comme Google.

La directive européenne devrait d'ailleurs être révisée en 2012, et l'assouplissement des règles est probable. Cette révision fait en effet l'objet d'un lobbying très fort de la part des Américains. Par exemple, lorsque la Commission européenne a décidé de mettre en place un groupe d'experts chargé d'engager la réflexion sur la révision de cette directive, sur les cinq personnes qui composaient le groupe, quatre étaient issues de sociétés américaines ou de cabinets d'avocats dont les principaux établissements sont également situés aux États-Unis.

Dans le même temps, le concept français de la loi Informatique et Libertés de 1978 en plus d'inspirer l'UE, s'est également propagé ailleurs. Israël, l'Argentine, entre autres, ont adopté aussi adopté des lois similaires. ... Elle a fait du chemin et devrait continuer à en faire. La Californie avance aussi dans cette direction. Il faut cependant préciser que des données européennes peuvent déjà être traitées dans les datacenters de Google en Californie. Google doit dans ce cas s'engager par écrit à respecter la loi européenne dans le traitement des données. Les principes européens de protection des données personnelles sont donc déjà appliqués outre-Atlantique.

Mais sauf surprise, Google devrait continuer à largement collecter et utiliser les données personnelles.



Alexandre Diehl est avocat au Barreau de Paris depuis 2000 et au Barreau de Luxembourg depuis 2004 et spécialisé en droit des affaires. Après avoir travaillé comme informaticien (responsable réseaux et développeur) pendant ses études de droit, Alexandre a passé 4 ans chez PricewaterhouseCoopers (France et Luxembourg) et 3 ans au sein du cabinet Gide Loyrette Nouel avant de créer Lawint. Alexandre Diehl dirige aujourd'hui ce cabinet de droit des affaires orienté vers l'informatique et l'Internet et assiste de nombreux acteurs dans ces domaines. Alexandre Diehl participe depuis plus de 4 ans à la Lettre mensuelle d'Abondance dédiée au référencement.



En savoir plus



Dans ses conditions d'utilisation, Google écrit au deuxième paragraphe, au sujet de l'Acceptation des Conditions" : "2.1 Avant d'utiliser les Services, vous devez d'abord accepter les présentes Conditions. Vous ne pourrez pas utiliser les Services si vous n'avez pas au préalable accepté les Conditions.

2.2 Votre acceptation des Conditions résultera soit : (A) de votre clic signifiant votre acceptation des Conditions, dans l'hypothèse où cette option vous est offerte par Google dans l'interface utilisateur du Service; (B) de votre utilisation effective des Services. Dans cette hypothèse, vous reconnaissez et acceptez que cette utilisation sera dès lors considérée par Google comme valant acceptation des Conditions."

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