Le journal de ma peau a donné des boutons à Vichy |
L'une des premières opérations de buzz d'une marque française est devenu un cas d'école des erreurs à ne pas reproduire. En 2005, alors que le terme 2.0 n'est pas encore accommodé à toutes les sauces, les laboratoires Vichy lancent un blog baptisé "Le journal de ma peau". Claire, une blogueuse, y raconte son essai d'une nouvelle crème antirides que la marque vient de lancer.
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Le Journal de ma peau © Capture d'écran Vichy |
Seulement voilà : Claire n'existe pas. Le blog, qui passe pour une initiative spontanée d'une internaute est en fait géré par une agence, EuroRSCG 4D. Les posts de Claire sont rédigés par un concepteur-rédacteur et ne filtrent sur les pages du site que des commentaires neutres ou positifs. La supercherie ne met que quelques heures avant d'être découverte et de déclencher une polémique. "La marque a essentiellement été critiquée pour l'aspect trompeur de sa campagne, mais ce bad buzz a été démultiplié par le côté novateur de la notion même de buzz", note Grégory Pouy, directeur en charge du social media de l'agence Nurun.
Prise la main dans le sac, Vichy a rapidement reconnu sa faute. Loïc Le Meur, qui a conseillé Vichy au moment de la sortie de cette crise raconte sur son blog : "La marque a d'abord reconnu avoir entendu la critique principale des blogueurs: l'invention de Claire. La vraie équipe produits Vichy s'est ensuite présentée, photo à l'appui, plus de personnages inventés. Les dizaines de blogueurs qui avaient critiqué la première version commencent rapidement à saluer le courage de l'équipe et commencent à lui faire des suggestions, tandis que Vichy se met à l'écoute" Le laboratoire a par la suite donné la parole à de vraies blogueuses en leur permettant de donner librement leur avis sur la crème en question.
Selon Grégory Pouy, la réaction de Vichy face à la critique a été salutaire et a permis de nuancer cet échec. "Lorsque qu'une opération de buzz commence à susciter une polémique, la réaction de la marque est au moins aussi importante que l'opération elle-même, analyse-t-il. Une marque qui n'hésite pas à faire amende honorable arrivera plus facilement à faire oublier un faux pas qu'une marque qui réagit sèchement à des accusations." Laissé en sommeil quelques temps, le blog a finalement disparu.
Hasbro a été un poil débordé par l'affaire Montcuq |
Pour susciter l'adhésion des internautes et favoriser la viralité d'une opération de buzz, l'un des meilleurs leviers consiste à les mettre à contribution. C'est ce qu'a certainement pensé Hasbro en inaugurant à l'automne 2007 un concours participatif pour préparer le lancement de l'édition Villes de France de son célèbre jeu Monopoly. Désireux de renouveler son concept en proposant une édition contenant non plus des noms de rues mais de villes, Hasbro a en effet demandé aux internautes de voter pour leurs villes préférées afin qu'elles remplacent les noms de rues sur le plateau.
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Illustration incitant les internautes à voter pour Montcuq © Capture d'écran Trictrac.net |
Le fabricant de jeux de société n'avait probablement pas imaginé que les internautes pourraient participer massivement et avec humour à son opération. Quelques internautes facétieux ont en effet organisé un vote massif pour la ville de Montcuq, en référence au sketch de Daniel Prévost tiré de l'émission "Le Petit rapporteur". D'autant que l'animateur Jacques Martin, père du "Petit rapporteur", décède quelques jours après l'ouverture du vote, amplifiant encore la popularité de la petite bourgade du Lot. Résultat : en un mois, Montcuq obtient 53 000 voix, loin devant la deuxième ville la plus populaire, Dunkerque (30 000 votes).
La victoire de Montcuq est pour le moins embarrassante aux yeux de Hasbro et l'éditeur annonce qu'il refuse purement et simplement de céder au vote du public et de se conformer au règlement de son propre jeu : elle décide de remplacer la rue de la paix par Dunkerque. "Cette histoire est un exemple flagrant de détournement amusant d'une opération par les internautes, note Grégory Pouy. Elle rappelle que malgré de nombreux contrôles, la marque peut rarement cadrer à 100% la façon dont les consommateurs vont s'emparer de sa campagne de buzz."
Reste qu'en refusant de jouer le jeu, l'entreprise fait passer le message qu'elle portait en réalité peu d'intérêt au vote des internautes mais comptait surtout sur l'opération pour relancer son jeu. Une telle attitude déclenche une vague de critiques d'internautes et de médias (comme Télérama) qui pousse Hasbro à trouver une autre issue pour ne pas perdre la face. Montcuq disposera finalement de sa propre édition du jeu de plateau. "En agissant ainsi, la marque a montré qu'elle acceptait son erreur et a fait elle-même preuve d'humour", estime Grégory Pouy. Le Monopoly Montcuq a finalement vu le jour au printemps 2008. Un rattrapage habile, mais coûteux.
Veet a rasé sa campagne vantant l'épilation intégrale |
Veet a été l'une des dernières marques à pâtir d'un mauvais buzz en France. Pour parler aux adolescentes, la marque de produits dépilatoires du groupe Reckitt Benckiser n'a pas hésité à lancer au printemps dernier une campagne intitulée "Mon minou tout doux". Réalisée par l'agence Mobiz, cette campagne colorée semblait viser les jeunes filles et leur proposait d'interagir sur le site avec des chattes que l'internaute devait épiler totalement. Un clip vidéo venait affirmer l'un des messages-clés de la campagne : "quand mon minou est tout doux, il aime être caressé partout".
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Extrait du clip de la campagne Veet "Mon minou tout doux" © Capture d'écran Youtube |
La campagne ne passe pas. Rapidement, de nombreux internautes accusent la marque de vanter les mérites de l'épilation intégrale auprès des adolescentes et rappelle que cette pratique relève d'un héritage du cinéma pornographique. Outre le mauvais goût de sa campagne, la marque se voit ainsi reprocher de faire la promotion de l'hypersexualisation auprès des petites filles.
Gênée, Veet fermera le site officiel de sa campagne deux jours seulement après son lancement. "On a repris les codes du Net pour faire du buzz, avec quelque chose de rigolo, décalé, coloré. Pour nous, c'était positif. On a été très surpris par les réactions", raconte alors la marque à Rue89. Il semble cependant peu probable que la marque n'ait pas intentionnellement misé sur le côté osé de son opération. "Le choc reste l'un des ingrédients du viral", rappelle, Grégory Pouy.
Cette campagne rappelle par ailleurs un clip remarqué, diffusé en 2009 par l'un des concurrents de Veet, Wilkinson. Dans ce clip intitulé "Ma garden party", la chanteuse "Simone elle est bonne" vantait les mérites de la tonte du "gazon maudit". "La campagne Wilkinson était osée, mais avait au moins le mérite de s'adresser explicitement à des adultes, explique Grégory Pouy. Veet a fait l'erreur de tenir un message inapproprié à la cible qu'il visait." Sans oublier que le buzz ne permet pas de toucher uniquement la cible à laquelle on s'adresse : les adultes ont ainsi été les premiers à exprimer des critiques sur une campagne qui ne leur était pas destinée.
Volkswagen fait sauter les terroristes... et son image |
La publicité virale peut rire de tout... mais avec quelques limites. Le constructeur automobile Volkswagen en a fait l'amère expérience en 2005, lorsqu'une vraie-fausse publicité britannique pour sa nouvelle Polo a commencé à être remarquée sur le Web. Ce spot vidéo, d'une vingtaine de secondes, met en scène un terroriste conduisant une Polo jusqu'à la terrasse d'un café pour s'y faire exploser. Heureusement, le véhicule est résistant et contient l'explosion. Aucun dégât n'est à déplorer.
Jugé de mauvais goût car entretenant le cliché du terroriste islamiste, le spot fait en plus écho aux attentats terroristes du 11 septembre 2001 et ceux de Madrid, survenus moins d'un an auparavant. Il est rapidement critiqué par les internautes et les médias. Le quotidien britannique The Guardian n'hésitera pas à affirmer que ce film prétend au titre de "publicité la plus dégoutante de tous les temps".
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Extrait du spot refusé par Volkswagen © Capture d'écran Youtube |
Au cœur de la tourmente, Volkswagen dément être à l'origine de cette publicité et affirme que deux créatifs de son agence, DDB ont proposé ce spot et l'ont diffusé sur le Web, malgré le refus de la marque. Le constructeur automobile va jusqu'à menacer les deux créatifs de poursuites judiciaires pour atteinte à sa marque. Finalement Volkswagen acceptera de ne pas déposer plainte après avoir reçu des excuses des deux créatifs, qui affirment eux-mêmes que cette vidéo n'avait pas été créée pour être diffusée au grand public. Fin de l'histoire.
La marque a-t-elle réellement été trompée ou a-t-elle cherché à limiter son implication dans l'opération face aux réactions des internautes ? Difficile à dire. Malgré sa posture d'indignation, "Volkswagen n'a pas cherché à faire retirer cette vidéo, contrairement à certains annonceurs", explique Grégory Pouy. De fait, plusieurs copies circulent toujours sur Internet, notamment sur Youtube, cumulant plusieurs millions de vues. "D'une certaine manière Volkswagen a ainsi profité de ce buzz", note le directeur en charge du social media de Nurun.
Poweo : les doigts dans la prise, les pieds dans le tapis |
Pour profiter à plein de l'ouverture du marché de l'énergie aux particuliers, Poweo s'est offert fin 2007 l'image de Sébastien Chabal pour une campagne de buzz. Objectif : générer de la notoriété et du trafic vers le portail de la marque, Poweo.fr, censé être "le principal véhicule d'acquisition de nos clients particuliers", selon les mots du président de l'opérateur alternatif d'électricité, Charles Beigbeder.
Mi-octobre, en pleine coupe du monde de rugby, Poweo lance sur son site, Youtube et Dailymotion un film d'animation au dessin enfantin qui pose la question "Mais où Sébastien Chabal va-t-il puiser toute son énergie ?". En guise de réponse, le rugbyman met ses doigts dans une prise et reçoit une décharge électrique. La campagne suscite immédiatement l'indignation d'internautes, choqués de voir un sportif apprécié des enfants montrant le mauvais exemple en prenant des décharges de 220 volts. "Cette campagne a commis l'erreur de montrer un trop grand décalage entre la réalisation enfantine du film, son discours et sa cible", explique Grégory Pouy. Résultat : Poweo passe pour une marque irresponsable.
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Extrait du clip Vidéo de Poweo © Capture d'écran Dailymotion |
Selon le blogueur Cyrille Chaudoit, 544 blogs ont mentionné cette campagne et deux groupes de protestation sont créés sur Facebook. La campagne a même valu une opération de Google Bombing à l'encontre de Poweo. Saisie par de nombreux internautes, l'ARPP (ex-BVP) se voit même obligée d'intervenir auprès de l'annonceur, qui n'est pourtant pas tenu de lui soumettre ses campagnes Web. L'ARPP précisera d'ailleurs que cette campagne n'aurait eu "aucune chance" d'être diffusée en TV.
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Quelles conséquences pour un mauvais buzz ?
L'impact négatif d'une opération ratée de marketing viral reste généralement temporaire et assez limité pour une marque. "Un mauvais buzz est toujours très ennuyeux mais ne tue pas une marque pour autant", estime Grégory Pouy. L'image négative générée par un plantage en ligne laisse cependant des traces et vient s'ajouter au passif de la marque. "Le Web a une mémoire", rappelle le directeur en charge du social media de Nurun. Selon lui, les internautes ne manqueront pas de rappeler ses faux pas à une marque le moment venu. De quoi ne pas oublier que toute propagation virale n'est pas forcément positive.
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