A lire sur: http://www.lesechos.fr/journal20120515/lec1_competences/0202050029098-splendeurs-et-miseres-du-teletravail-323289.php
C'est chose faite ! Depuis quelques semaines, le
télétravail est encadré par le Code du travail. Dans le sillage d'un
accord national signé en 2005 entre patrons et syndicats, la loi
Warsmann confirme les règles du jeu. C'est écrit noir sur blanc : la
pratique ne doit pas être imposée sauf circonstances exceptionnelles
(épidémies, catastrophes naturelles...). De même, un avenant au contrat
de chacun doit en fixer les modalités, indiquant, par exemple, les
horaires où un salarié est joignable. Tandis que la loi contraint les
employeurs à en couvrir les dépenses (matériel informatique, frais de
communication...). Le texte n'est, certes, pas révolutionnaire, mais « c'est une
invitation pour les entreprises à s'engager », observe
Dominique Bost, directrice des initiatives stratégiques chez Mondial
Assistance, en cours de négociation pour étendre son accord test à 20 %
de ses 1.700 collaborateurs.
Les
employeurs s'y mettront-ils pour autant ? Déjà, une cinquantaine
d'accords auraient été signés dans les grands groupes. Ainsi, Renault
vient de franchir le cap du millième télétravailleur. Selon un rapport
remis il y a quelques jours à Bercy par le cabinet Greenworking, 12,4 %
des 23 millions de salariés sur le sol français travailleraient à
distance au moins huit heures par mois, contre 8,9 % en 2009. En retard
sur la Suède ou la Finlande, où elle touche 30 % des travailleurs, la
pratique, en France, serait dopée par une myriade de facteurs (contexte
législatif, prise en compte des risques psychosociaux, engorgement des
transports, essor des technologies...).
Changements profonds
Selon
l'étude de Greenworking, menée auprès de 6.208 salariés dans 20 grands
groupes, ses vertus sont légion. Sociales, d'abord, car il améliore
l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Echappant au stress
des transports, où ils passent, en moyenne, deux heures chaque jour,
les collaborateurs franciliens consacrent ainsi trente-sept minutes
supplémentaires à leur famille par jour télétravaillé.
L'enthousiasme est là. « Je
travaille chez moi deux demi-journées par mois. Loin du bruit de mon
"open space", où je suis sans cesse dérangée, je reste concentrée. Pour
certaines tâches, comme la rédaction de documents, le calme est
essentiel », raconte Olivia Chabbert, directrice de clientèle chez
Profile PR. Pour 20 % des employeurs, c'est donc un moyen de fidéliser
les équipes. Certains, comme Mondial Assistance, évoquent aussi
l'intégration de salariés handicapés. Et 35 % plébiscitent une
rationalisation des coûts, notamment immobiliers, assortis de bienfaits
sur l'environnement puisque la réduction des émissions de carbone d'un
télétravailleur qui renonce à prendre le volant équivaudrait à
144 arbres plantés par an.
Selon Greenworking, la productivité serait même accrue de 22 % ! Un chiffre que contestent certains. « Où
commence le télétravail à l'ère des smartphones ? Et comment conclure à
une amélioration de la productivité pour les entreprises, alors qu'on
ne sait pas mesurer la charge de travail d'un salarié de la
connaissance ?
tempère Yves Lasfargue, qui dirige l'observatoire du télétravail Obergo. Il reste beaucoup d'écueils. Sinon, toutes les entreprises auraient déjà adopté le travail à distance. »
De fait, la pratique
repose sur la double volonté du salarié et de l'employeur. Et s'ils sont
pointés du doigt comme les principaux freins par 92 % des sociétés, les
managers ne sont pas seuls responsables de son essor laborieux.
Car le télétravail implique des changements profonds. « Le
contrat de travail en France est basé sur le contrôle. Il repose sur le
temps passé à travailler et non pas sur les résultats », remarque Yves Lasfargue. Or comment contrôler, sans être intrusif, un salarié à domicile ? « Il
y a aussi des risques d'inéquité : en cas d'urgence à 22 heures, la
tentation est grande d'avoir recours à un télétravailleur », souligne Olivier Brun, directeur associé de Greenworking. Pas simple non plus de planifier les collectifs de travail. « L'enjeu de fond pour les entreprises est de ne plus contrôler », poursuit-il.
La
pratique n'est donc pas un remède à tous les maux. Toutes les
entreprises, tous les métiers et tous les postes ne s'y prêtent pas.
En outre, n'est pas télétravailleur qui veut. « Certains salariés ont des difficultés à s'autodiscipliner dans un environnement associé au repos. Plus
fréquemment, nombre de télétravailleurs travaillent trop. D'autant que
la loi ne leur garantit pas de droit à la déconnexion »,
constate Olivier Brun. Autant de raisons pour lesquelles l'étude limite à deux jours par semaine son efficacité optimale. Pour Yves Lasfargue, « le télétravail
ne peut se faire qu'au cas par cas ».
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