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Méconnue
des entreprises, la logique floue (FuzzyLogic) peut transformer des
actions humaines en algorithmes informatiques et automatiser des tâches
industrielles complexes.
Dans
les usines, les ouvriers sont bien souvent les experts de leur poste de
travail. Sans forcément disposer d’une qualification pointue, ils
savent pourtant régler avec dextérité les problèmes qui se présentent.
« Leur atout principal, c’est l’expérience accumulée », souligne Philippe Afgou, ingénieur chez Rockwell Automation, un ténor de l'automatisme industriel. « Par
exemple, sur des systèmes de traitements des eaux usées, les opérateurs
les plus expérimentés savent par habitude quand il faut ouvrir telle ou
telle vanne. » Problème : si l’entreprise souhaite automatiser des
tâches complexes, elle se retrouve rapidement confrontée à une
complexité croissante. En effet, les solutions classiques
d’automatisation, basées sur une logique probabiliste (ou
''booléenne''), fonctionnent à partir d’une logique binaire. « C’est souvent du tout ou rien. » Par
exemple, si une condition est complètement remplie, l’automate va
effectuer une action prédéterminée. Mais que faire si la condition n’est
remplie qu’a 50%, 25% ou encore 0,2% ?
Ni vrai ni faux. C’est là que la logique floue, à savoir une science mathématique basée sur les ensembles flous, fait toute la différence. « Il y a des degrés de réponse. La règle en elle-même n’est ni vraie ni fausse. » Paradoxalement, certaines règles peuvent même se contredirent... « Mais en jouant sur le degré de réponse, elles se complètent. »
Exploitant ce principe, Rockwell Automation commercialise depuis
quelques années Fuzzy Designers, un logiciel capable de transformer en
algorithmes des comportements professionnels complexes. La solution
coûte entre 5 000 et 10 000 euros et comprend un accompagnement. « Une semaine suffit à mener les premières expérimentations et à apprendre à se servir du logiciel. »
Collecte des données. Tout
commence par une discussion avec une personne experte du poste de
travail à automatiser. En pratique, un ingénieur de Rockwell Automation
vient dans l'entreprise. Selon le type d’application, l'expert recherché
peut être un ouvrier, un ingénieur ou un responsable de
l’automatisation des processus. « Nous étudions son comportement afin
d’en déduire un jeu de règles. Nous repérons 3 fonctions : les
''états'' (pressions, températures, débits...), les ''actions'' à
entreprendre, par exemple ouvrir ou fermer une vanne, et les ''éléments
de comportement''. » Ces derniers comprennent notamment les indications de temps. « Cela
peut consister à fermer la vanne un peu en avance dans certaines
situations, par exemple lorsque la température devient élevée. »
Blocs de programmation. Les
différents éléments sont ensuite injectés dans le logiciel qui génère
un bloc de contrôle. C'est-à-dire un élément de base de la programmation
des automates qui reproduit automatiquement le comportement de
l’expert. A chaque bloc correspond un effet désiré. Reste à générer
plusieurs blocs et à les implémenter dans l’automate via une interface
graphique sur un ordinateur. Puis à combiner les blocs entre eux afin de
programmer une série d’actions qui s’enchaînent. Avantage de la logique
floue : la vitesse d’exécution des tâches peut être très finement
réglée. « Nous calquons la vitesse d’exécution sur une courbe. » Cela signifie, par exemple, qu’un débit peut être réduit puis accéléré, puis réduit à nouveau avant de ré-accélérer… « En adoptant des changements de vitesse doux, la courbe évite l’usure du matériel. »
Optimisation des tâches. Le
succès est au rendez-vous : récemment, une société européenne de
production d’œufs a opté pour cette technologie afin de contrôler la
diffusion du produit qui sert à laver ses œufs avant leur mise en boite.
En pratique, le logiciel contrôle la taille et le poids de chaque œuf
avant de libérer l’exacte dose requise. Au bout du compte : moins de
gaspillage et des œufs de meilleur qualité. « L’industriel a obtenu, en un mois, un retour sur investissement non négligeable. » Pourtant, le concept reste encore peu connu des entreprises qui n’optent pour cette solution qu’en dernier recours. « Contrairement aux pays anglo-saxons ou germanophones, en France la logique floue est souvent mal comprise. »
© Guillaume Pierre
Photo 1 : Philippe Afgoun, ingénieur à Rockwell Automation.
Photo 2 : Le principe du lavage des œufs.
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