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Le 13 juin 2012 (16:59) - par Jean-François Ruiz
Le DSI d’ARTE, Robert Eusebe, dresse un bilan de sa pratique pionnière
du cloud. Il y aborde la problématique de la confidentialité des
données et de la réversabilité des applications, des critères de choix
prioritaires, pour lui, ainsi que celle du cloud qui permet aux équipes
de se consacrer aux taches à haute valeur ajoutée pour l’entreprise.
LeMagIT : La chaine Arte a-t-elle été pionnière sur le Cloud ?
Robert Eusebe : Le terme Cloud est relativement récent - trois ou quatre ans- mais les principes du Cloud, et probablement son existence, sont bien plus anciens. Avec nos premiers développements internet, nous avons sollicité des prestataires que nous appelions hébergeurs, et commencé à poser les premières briques du Cloud. Les premiers sites web d’Arte ont toujours été hébergés, parce que la qualité de service et la disponibilité 24 heures / 7 jours sur 7 nous obligeaient à passer par un prestataire. Nous étions dans les années 1995/98.
LeMagIT : Comment se développe le cloud aujourd’hui ?
R.E : Ce qui est relativement nouveau, c’est la généralisation du processus et le fait que sur le Cloud, on ne se contente plus de poster uniquement des données publiques qui concernent les internautes. Aujourd’hui, on aménage des dispositifs accueillant des applications-métiers, qui concernent des processus et des données internes de l’entreprise. Avec une architecture qui devient très transverse, et très orientée composants et services. Ceci est apparu dans les années 2008/2009.
LeMagIT : Est-il est pertinent de dire « grâce au Cloud, on a réalisé des économies » ?
R.E : Directement et indirectement, oui. Le premier effet, ce sont des coûts ajustés à la consommation. Plus question de sur-dimensionner une infrastructure en fonction d’un pic de charge maximale. Ça, c’est clair.
Mais il existe d’autres effets plus indirects. Nous venons, par exemple, d’opter pour une messagerie postée sur le Cloud. Les conséquences ? Nous avons optimisé la qualité de service mais en plus, nos équipes d’exploitation ont gagné en disponibilité et passent à autre chose.
Si l’on est capable à un moment donné de confier à des prestataires un certain nombre de tâches, et de repositionner les équipes sur des développements à valeur ajoutée, c’est très intéressant pour l’entreprise.
C’est une question de stratégie interne. Aujourd'hui, Arte est très active sur les nouveaux vecteurs : télévision connectée, smartphones avec leur différents OS, nouvelles plateformes sur internet… Tout cela n’a pu être réalisé que grâce à des réaffectations de ressources dans le cadre d’une enveloppe budgétaire à périmètre constant.
LeMagIT : Les appréhensions des DSI concernant le cloud – sécurité, réversibilité des applications, notamment - se sont-elles atténuées ?
R.E : Au sens large, les problèmes envisagés concernent principalement la disponibilité des données et leur sécurité, donc la maîtrise du fournisseur sur leur confidentialité. La question de la réversibilité est également essentielle : à tout moment nous devons être en mesure de changer de prestataire.
Sur tous ces points nous avons avancé prudemment dans le temps. Notre démarche a d’abord été de « poser » sur le Cloud les services les plus simples à gérer, ceux qui s’adressent au grand-public, avec des données non confidentielles – et répliquées en interne, ce qui évacuait la question de réversibilité.
Puis, nous avons appréhendé les contrats juridiques, les contrats de service, avec le prestataire, commencé à imaginer les tableaux de bord de pilotage et de gestion des applications. Dans cette démarche, nous n’avons encore abordé que des problèmes simples : des exigences en termes de disponibilité, pas de notion de confidentialité et à ce stade, nous avions toujours la capacité à changer de fournisseur très rapidement, puisque, nos données étaient toujours construites en interne.
Ce n’est qu’après que nous avons abordé des sujets assortis de niveaux de complexité supplémentaires. Notre nouvel outil SIRH mis en place l’année dernière, en 2011, est ainsi passé en mode Cloud, comme la messagerie.
LeMagIT : Comment choisit-on des solutions cloud ?
R.E : Pour les solutions que nous avons retenues, nous n’étions pas face à des éditeurs qui étaient forcément orientés Cloud au départ. Cela se passe autrement. Il faut examiner deux points. Pour le premier, on réfléchit à un outil en fonction d’une organisation métier et on se pose la question de la problématique d’architecture technique.
Cloud ou pas Cloud, cela se fait en fonction de nombreux paramètres dont bien sûr la disponibilité et la variation de la charge… Nos sites internet, assujettis à des effets d’antenne, connaissent une sollicitation qui varie fortement. Il serait compliqué de dimensionner l’architecture en fonction des pointes de ces pics d’audience. De ce fait, la variabilité des coûts en fonction des évènements est quand même très intéressante sur le Cloud.
Le deuxième point à étudier prend en compte effectivement – on l’a dit tout à l'heure – ces notions de confidentialité, de réversibilité...
Après, Il faut mesurer le risque. Et se lancer. Ou pas. Ou attendre encore…
LeMagIT : La confidentialité des données reste un problème crucial pour le choix des fournisseurs …
R.E : Clairement. Si je prends l’exemple de la messagerie, ce fut notre raisonnement. Nous passions sur le Cloud pour améliorer la disponibilité, notamment 24/7, et disposer d’un outil qui se prête mieux à la mobilité sur les smartphones, tablettes, etc.
Pour résumer, nous avons étudié deux offres, celles de Microsoft et de Google. Nous avons retenu Microsoft, qui offrait – c’était notre sentiment - de meilleures garanties quant à la confidentialité des données, voire, la non-exploitation des données à des fins commerciales... Entre autres critères, nous avons également considéré comme plus sérieux l’engagement de Microsoft sur la réversibilité...
LeMagIT : Comment est organisé le Cloud chez Arte ? Cloud privé et Cloud public ? Vous jouez avec ces notions-là ou du moins avec ces organisations-là, ou pas ?
R.E : Nous avons avancé dans les deux dimensions. Pour la partie Cloud public, l’hébergement en externe de nos sites est une affaire entendue depuis longtemps. Pour des services plus complexes, il nous faut réfléchir à l’installation d’environnements interopérables et facilement déplaçables. En gros, il faut donc penser virtualisation. La virtualisation, nous l’avons mise en œuvre assez vite également - nous avons d‘ailleurs été un des premiers clients VMWare en France.
Donc aujourd'hui, nous avons cette faculté de déplacer les machines virtuelles, en interne, entre deux machines physiques ou carrément de la placer à l’extérieur. Une fois ce stade atteint, Il n’est plus très compliqué de déplacer une brique ou l’autre.
Il faut passer par cette étape-là, pour ajuster son architecture et installer le service sur l’infrastructure et à l’endroit qui paraissent les plus judicieux.
Et ces choix, à un moment donné, sont susceptibles d’être revus.
Lorsqu’il s’agit de diffuser de la vidéo sur internet, nous sommes amenés à mettre en œuvre une infrastructure dont l’hébergement en interne est impensable. Autour cette notion de CDN (Content Delivery Network), nous travaillons très étroitement avec des partenaires acteurs du cloud sans lesquels la mise en œuvre de la télévision de rattrapage ou la mise à disposition sur le web des nouvelles plateformes que nous proposons eurent été impossibles, avec les moyens qui étaient les nôtres.
LeMagIT : Qui dit Cloud dit SaaS et c’est souvent la tentation pour les directions opérationnelles de faire leur marché applications toutes seules …
R.E : Ça, c’est vraiment un problème de gouvernance de l’entreprise, et c’est une question qui remonte à la Direction générale. Je ne dis pas qu’il ne nous arrive plus de découvrir encore quelque petites choses par-ci, par là mais chez nous, il est clair que l’architecture du système d’information est quelque chose de cruciale pour la bonne marche de l’entreprise (simplification des processus, productivité des directions métiers, qualité des données) et qu’il convient de confier cette responsabilité à une entité ; la DSI. A partir de là, il revient à ce DSI d’effectuer ces choix, et quiconque installe des dispositifs un peu « en perruque », se place en dehors du cadre.
Le Cloud a d’ailleurs permis d’accélérer cette prise de conscience : il devient aujourd'hui beaucoup plus facile d’aller chercher des services et de mettre en œuvre des dispositifs rapidement.
LeMagIT : Avez-vous un avis sur le Cloud « souverain », la construction du cloud français dont l’avènement semble assez problématique ?
R.E : Il est grand temps que des acteurs nationaux et européens puissent nous offrir des alternatives, à nous, entreprises, par rapport à tous les grands acteurs, aujourd'hui plutôt américains. De mon point de vue, cette absence dans le paysage économique français et européen est dramatique. Ce projet devrait être porté au niveau continental, comme un des pôles de développement prioritaire. L’Europe a réussi à le faire pour l’aviation, je ne vois pas pourquoi on n’obtiendrait pas le même résultat pour le numérique. En cette période de crise et de recherche de croissance, ce serait plutôt bienvenu.
Robert Eusebe : Le terme Cloud est relativement récent - trois ou quatre ans- mais les principes du Cloud, et probablement son existence, sont bien plus anciens. Avec nos premiers développements internet, nous avons sollicité des prestataires que nous appelions hébergeurs, et commencé à poser les premières briques du Cloud. Les premiers sites web d’Arte ont toujours été hébergés, parce que la qualité de service et la disponibilité 24 heures / 7 jours sur 7 nous obligeaient à passer par un prestataire. Nous étions dans les années 1995/98.
LeMagIT : Comment se développe le cloud aujourd’hui ?
R.E : Ce qui est relativement nouveau, c’est la généralisation du processus et le fait que sur le Cloud, on ne se contente plus de poster uniquement des données publiques qui concernent les internautes. Aujourd’hui, on aménage des dispositifs accueillant des applications-métiers, qui concernent des processus et des données internes de l’entreprise. Avec une architecture qui devient très transverse, et très orientée composants et services. Ceci est apparu dans les années 2008/2009.
LeMagIT : Est-il est pertinent de dire « grâce au Cloud, on a réalisé des économies » ?
R.E : Directement et indirectement, oui. Le premier effet, ce sont des coûts ajustés à la consommation. Plus question de sur-dimensionner une infrastructure en fonction d’un pic de charge maximale. Ça, c’est clair.
Mais il existe d’autres effets plus indirects. Nous venons, par exemple, d’opter pour une messagerie postée sur le Cloud. Les conséquences ? Nous avons optimisé la qualité de service mais en plus, nos équipes d’exploitation ont gagné en disponibilité et passent à autre chose.
Si l’on est capable à un moment donné de confier à des prestataires un certain nombre de tâches, et de repositionner les équipes sur des développements à valeur ajoutée, c’est très intéressant pour l’entreprise.
C’est une question de stratégie interne. Aujourd'hui, Arte est très active sur les nouveaux vecteurs : télévision connectée, smartphones avec leur différents OS, nouvelles plateformes sur internet… Tout cela n’a pu être réalisé que grâce à des réaffectations de ressources dans le cadre d’une enveloppe budgétaire à périmètre constant.
LeMagIT : Les appréhensions des DSI concernant le cloud – sécurité, réversibilité des applications, notamment - se sont-elles atténuées ?
R.E : Au sens large, les problèmes envisagés concernent principalement la disponibilité des données et leur sécurité, donc la maîtrise du fournisseur sur leur confidentialité. La question de la réversibilité est également essentielle : à tout moment nous devons être en mesure de changer de prestataire.
Sur tous ces points nous avons avancé prudemment dans le temps. Notre démarche a d’abord été de « poser » sur le Cloud les services les plus simples à gérer, ceux qui s’adressent au grand-public, avec des données non confidentielles – et répliquées en interne, ce qui évacuait la question de réversibilité.
Puis, nous avons appréhendé les contrats juridiques, les contrats de service, avec le prestataire, commencé à imaginer les tableaux de bord de pilotage et de gestion des applications. Dans cette démarche, nous n’avons encore abordé que des problèmes simples : des exigences en termes de disponibilité, pas de notion de confidentialité et à ce stade, nous avions toujours la capacité à changer de fournisseur très rapidement, puisque, nos données étaient toujours construites en interne.
Ce n’est qu’après que nous avons abordé des sujets assortis de niveaux de complexité supplémentaires. Notre nouvel outil SIRH mis en place l’année dernière, en 2011, est ainsi passé en mode Cloud, comme la messagerie.
LeMagIT : Comment choisit-on des solutions cloud ?
R.E : Pour les solutions que nous avons retenues, nous n’étions pas face à des éditeurs qui étaient forcément orientés Cloud au départ. Cela se passe autrement. Il faut examiner deux points. Pour le premier, on réfléchit à un outil en fonction d’une organisation métier et on se pose la question de la problématique d’architecture technique.
Cloud ou pas Cloud, cela se fait en fonction de nombreux paramètres dont bien sûr la disponibilité et la variation de la charge… Nos sites internet, assujettis à des effets d’antenne, connaissent une sollicitation qui varie fortement. Il serait compliqué de dimensionner l’architecture en fonction des pointes de ces pics d’audience. De ce fait, la variabilité des coûts en fonction des évènements est quand même très intéressante sur le Cloud.
Le deuxième point à étudier prend en compte effectivement – on l’a dit tout à l'heure – ces notions de confidentialité, de réversibilité...
Après, Il faut mesurer le risque. Et se lancer. Ou pas. Ou attendre encore…
LeMagIT : La confidentialité des données reste un problème crucial pour le choix des fournisseurs …
R.E : Clairement. Si je prends l’exemple de la messagerie, ce fut notre raisonnement. Nous passions sur le Cloud pour améliorer la disponibilité, notamment 24/7, et disposer d’un outil qui se prête mieux à la mobilité sur les smartphones, tablettes, etc.
Pour résumer, nous avons étudié deux offres, celles de Microsoft et de Google. Nous avons retenu Microsoft, qui offrait – c’était notre sentiment - de meilleures garanties quant à la confidentialité des données, voire, la non-exploitation des données à des fins commerciales... Entre autres critères, nous avons également considéré comme plus sérieux l’engagement de Microsoft sur la réversibilité...
LeMagIT : Comment est organisé le Cloud chez Arte ? Cloud privé et Cloud public ? Vous jouez avec ces notions-là ou du moins avec ces organisations-là, ou pas ?
R.E : Nous avons avancé dans les deux dimensions. Pour la partie Cloud public, l’hébergement en externe de nos sites est une affaire entendue depuis longtemps. Pour des services plus complexes, il nous faut réfléchir à l’installation d’environnements interopérables et facilement déplaçables. En gros, il faut donc penser virtualisation. La virtualisation, nous l’avons mise en œuvre assez vite également - nous avons d‘ailleurs été un des premiers clients VMWare en France.
Donc aujourd'hui, nous avons cette faculté de déplacer les machines virtuelles, en interne, entre deux machines physiques ou carrément de la placer à l’extérieur. Une fois ce stade atteint, Il n’est plus très compliqué de déplacer une brique ou l’autre.
Il faut passer par cette étape-là, pour ajuster son architecture et installer le service sur l’infrastructure et à l’endroit qui paraissent les plus judicieux.
Et ces choix, à un moment donné, sont susceptibles d’être revus.
Lorsqu’il s’agit de diffuser de la vidéo sur internet, nous sommes amenés à mettre en œuvre une infrastructure dont l’hébergement en interne est impensable. Autour cette notion de CDN (Content Delivery Network), nous travaillons très étroitement avec des partenaires acteurs du cloud sans lesquels la mise en œuvre de la télévision de rattrapage ou la mise à disposition sur le web des nouvelles plateformes que nous proposons eurent été impossibles, avec les moyens qui étaient les nôtres.
LeMagIT : Qui dit Cloud dit SaaS et c’est souvent la tentation pour les directions opérationnelles de faire leur marché applications toutes seules …
R.E : Ça, c’est vraiment un problème de gouvernance de l’entreprise, et c’est une question qui remonte à la Direction générale. Je ne dis pas qu’il ne nous arrive plus de découvrir encore quelque petites choses par-ci, par là mais chez nous, il est clair que l’architecture du système d’information est quelque chose de cruciale pour la bonne marche de l’entreprise (simplification des processus, productivité des directions métiers, qualité des données) et qu’il convient de confier cette responsabilité à une entité ; la DSI. A partir de là, il revient à ce DSI d’effectuer ces choix, et quiconque installe des dispositifs un peu « en perruque », se place en dehors du cadre.
Le Cloud a d’ailleurs permis d’accélérer cette prise de conscience : il devient aujourd'hui beaucoup plus facile d’aller chercher des services et de mettre en œuvre des dispositifs rapidement.
LeMagIT : Avez-vous un avis sur le Cloud « souverain », la construction du cloud français dont l’avènement semble assez problématique ?
R.E : Il est grand temps que des acteurs nationaux et européens puissent nous offrir des alternatives, à nous, entreprises, par rapport à tous les grands acteurs, aujourd'hui plutôt américains. De mon point de vue, cette absence dans le paysage économique français et européen est dramatique. Ce projet devrait être porté au niveau continental, comme un des pôles de développement prioritaire. L’Europe a réussi à le faire pour l’aviation, je ne vois pas pourquoi on n’obtiendrait pas le même résultat pour le numérique. En cette période de crise et de recherche de croissance, ce serait plutôt bienvenu.
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