dimanche 1 juillet 2012

Les gouvernements jouent-ils leur rôle en respectant l'Agenda numérique, Nadia Babaali, FTTH Council Europe

A lire sur:  http://www.decideur-public.info/article-les-gouvernements-jouent-ils-leur-role-en-respectant-l-agenda-numerique-nadia-babaali-ftth-council-107568153.html

Vendredi 29 juin 2012
Nadia Babaali, Communications Director, FTTH Council EuropeAu milieu du dix-neuvième siècle, la ville française d'Alençon était un carrefour important entre Paris et l'ouest de la France, similaire en taille à sa rivale régionale, Le Mans. Soudain, le train arriva. Et il ne s'arrêta pas à Alençon. Le chemin de fer entre Paris et l'ouest passa par Le Mans plutôt qu'Alençon, qui s'enfonça alors dans une période de stagnation économique tandis que Le Mans se développait à toute allure.
 
Aujourd'hui, c'est le réseau télécom à très haut débit qui est devenu le facteur déterminant de la réussite économique d'une ville ou d'une région. La Commission européenne (CE), par exemple, estime que chaque augmentation de 10% de la pénétration du haut débit donne lieu à un développement économique de 1% à 1,5%. Afin de stimuler cette croissance, les États membres de l'UE sont encouragés à déployer l'Agenda numérique de la Commission européenne, un projet aux multiples facettes visant à créer un marché européen unique pour les services numériques.
 
Au cœur de l'Agenda numérique figure un projet d'infrastructure haut débit garantissant la prestation des services qui donneront un coup de fouet au développement économique en Europe. La CE estime que si l'Europe veut rester compétitive vis-à-vis des autres régions mondiales, elle aura besoin d'ici 2020 de réseaux « de nouvelle génération » (Next Generation Access, NGA) permettant à la moitié des ménages européens de bénéficier de vitesses de connexion Internet de 100 mégabits par seconde (Mbps) et à tous les ménages d'un taux de téléchargement minimal de 30 Mbps. Jusqu'ici, 21 États membres ont défini des objectifs de couverture quantitatifs pour le déploiement de réseaux NGA, avec des cibles de téléchargement allant de 25 Mbps à 1 gigabit par seconde (Gbps) et une couverture allant de 75% à 100% des ménages ou de la population.
 
Toutefois, ces objectifs ne se traduisent pas encore par la construction à grande échelle des réseaux très haut débit requis, ni par l'augmentation corrélée de l'utilisation des réseaux FTTH (Fibre to the Home). En conséquence, l'Europe est à la traîne des autres régions. À la fin 2011, l'Union européenne comptait 4,5 millions d'abonnés FTTH/B, d'après IDATE, contre 54,3 millions dans la région Asie-Pacifique et 9,7 millions en Amérique du Nord. En outre, le taux de pénétration du FTTH s'élevait à moins de 1% des ménages dans les grandes économies que sont l'Allemagne, la Grande-Bretagne et l'Espagne.
 
Afin d'atteindre les objectifs de l'Agenda numérique, les gouvernements devront être plus proactifs en créant des législations et des incitations adaptées afin de s'assurer que suffisamment de réseaux NGA soient mis sur pied d'ici 2020. Le bénéfice sera la combinaison d'une législation simplifiée et d'une nouvelle infrastructure qui facilitera le commerce international et stimulera la croissance économique.
 
Un des piliers de l'Agenda numérique est la volonté d'éradiquer de futurs déséquilibres numériques potentiels dans les pays où les opérateurs commerciaux seraient peu ou pas incités à bâtir des infrastructures haut-débit dans certaines régions. Une fois encore, il faut agir. Une des possibilités serait que les gouvernements développent des modèles de partenariat public/privé (PPP) à un niveau national ou local. Ceci faciliterait le financement de réseaux à haute vitesse et fournirait en fin de compte des services qui profiteraient aux contribuables.
 
Une étude de l'OCDE a montré que les réductions de coûts résultant de l'utilisation d'une infrastructure NGA dans quatre secteurs de l'économie - les transports, la santé, l'électricité et l'éducation - justifieraient à elles seules la construction d'un réseau FTTH national. Les gouvernements qui facilitent la construction de réseaux FTTH seront à même d'assurer des services publics clés de manière encore plus efficace : par exemple, la fourniture de services de santé en ligne permettra d'offrir des consultations à distance par vidéo dans les zones rurales et pour les patients incapables de se rendre à l'hôpital. En outre, les citoyens disposant d'un accès très haut débit à domicile pourront plus facilement se lancer dans le télétravail, ce qui peut aider les entreprises à diminuer fortement leurs coûts et les employés à gagner en flexibilité. Cette mesure créerait dès lors de nouvelles opportunités de revitalisation des zones rurales ou des zones économiques affaiblies.
 
Jusqu'ici, la CE décrit les progrès des gouvernements régionaux en matière d'implémentation de l'Agenda numérique comme étant modérés. De nombreux facteurs bloquent l'action des pouvoirs publics, le premier étant le coût. Offrir une vitesse d'accès de 100 Mbps à 50% des ménages européens coûterait entre 181 et 268 milliards d'euros, selon diverses estimations divulguées par la Commission européenne dans sa communication sur l'Agenda numérique pour le haut débit. Les résultats initiaux d'un modèle de coût actuellement développé par le FTTH Council Europe montrent qu'il faudrait un investissement total de 192 milliards d'euros - soit la fourchette basse - pour atteindre les objectifs de l'Agenda numérique avec le FTTH. De plus, il y a un potentiel d'économies substantielles, par exemple via la réutilisation ou le partage d'infrastructures existantes. La coordination de telles mesures de réduction des coûts doit être une tâche de première importance pour les gouvernements et les régulateurs.
 
Les organisations privées et municipales montrent des signes encourageants en prenant de plus en plus de mesures visant à ne pas laisser les gouvernements nationaux régler seuls l'addition. Ceci va accroître le nombre de réseaux d'accès en fibre optique, qui vont ouvrir la voie à de futurs services innovants.
 
En Europe, une série de villes ont déjà reconnu l'importance des réseaux FTTH à très haut débit pour leur avenir économique et ont encouragé les investissements des entreprises privées. À Munich, par exemple, la société à mission de service public SWM associée à l'opérateur de télécommunications M-net est en train d'investir 250 millions d'euros dans le déploiement de réseaux FTTH et prévoit de connecter 350 000 logements, soit la moitié de toutes les habitations de la ville, d'ici 2013. À Stockholm, la municipalité a créé un organisme presque intégralement financé par des organisations commerciales afin de monter un réseau FTTH de gros et de proposer la fibre en leasing à des fournisseurs de services privés.
 
Aux Pays-Bas, des investisseurs privés se sont quant à eux associés à KPN afin d'offrir le FTTH à la grande majorité de la population dans les cinq à dix prochaines années. Un million d'habitations sont déjà reliées, dont 40% sont des abonnés. Pendant ce temps, en Grande-Bretagne, CityFibre vise à déployer le FTTH à des vitesses d'au moins 100 Mbps auprès d'un million d'habitations et de 50 000 entreprises situées dans des villes de second plan.
 
Cependant, pour garantir l'apparition de plans stratégiques nationaux, ce sont les gouvernements européens qui devront jouer un rôle crucial en assurant la coordination entre toutes les parties prenantes, y compris les autorités locales et régionales, les investisseurs privés et les régulateurs. Le Portugal, par exemple, a investi des fonds du Plan européen pour la relance économique afin de déployer des réseaux d'accès de nouvelle génération (NGA) dans 140 municipalités rurales, obligeant les candidats à connecter au moins la moitié de la population d'une région à des vitesses de 40 Mbps ou plus. Le pays a également ouvert une ligne de crédit de 800 millions d'euros aux investisseurs dans les réseaux NGA. La France, dans l'intervalle, a mis en place une réglementation afin de faciliter la coopération entre opérateurs pour le déploiement du FTTH, dont l'objectif est d'assurer une couverture très haut débit de 70% de la population d'ici 2020, et de 100% d'ici 2025. À la fin de 2011, le régulateur français des télécommunications a estimé qu'environ la moitié des 19 milliards d'euros nécessaires à la création de réseaux très haut débit dans le pays proviendrait de financements publics.
 
La situation des gouvernements et de leurs partenaires est claire : alors que de nouveaux services et dispositifs publics et privés nécessitant une capacité accrue sont développés, la priorité devrait être donnée à une infrastructure modulable qui s'adapterait à l'accroissement et au changement de l'utilisation de la bande passante. À la différence du Fibre to the Cabinet (FTTC), qui est limité par sa dépendance aux réseaux en cuivre pour transmettre des données jusqu'au dernier relai des habitations, le FTTH fournit des connexions très haut débit en fibre jusqu'au bâtiment, et ce depuis le berceau du réseau.
 
Les réseaux très haut débit FTTH sont appelés à jouer un rôle clé dans l'avenir compétitif et prospère de l'Europe, mais ces réseaux ne peuvent atteindre leur plein potentiel de transformation des économies locales et nationales que s'ils sont généralisés. Vu la gigantesque échelle d'un projet infrastructurel de cette ampleur, les gouvernements et les décideurs doivent veiller à coordonner les investissements privés et publics de façon à bâtir des réseaux  de manière rentable et dans les délais.
Malheureusement, de nombreux gouvernements évitent encore de s'attaquer au véritable défi que pose le déploiement d'une infrastructure NGA réellement parée pour l'avenir. En effet, certains d'entre eux mettent toujours en doute le besoin d'atteindre les objectifs de performance de l'Agenda numérique. Mais l'histoire démontre que l'évolution économique dépend précisément des infrastructures. Si l'Europe ne commence pas à implémenter sérieusement les réseaux haut-débit de demain, elle court le risque de revivre le déclin d'Alençon au 19ième siècle au lieu de connaître le développement économique dont elle a désespérément besoin.
 
Par Nadia Babaali, Communications Director du FTTH Council Europe

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