dimanche 11 mars 2012

L’impact des TIC (1/2) Les conditions de travail

mardi 6 mars 2012
Les TIC ont été un vecteur déterminant du changement dans les entreprises. Les nombreuses possibilités qu’elles ont proposées au rythme de leurs innovations ont répondu aux besoins du marché face aux aléas de l’économie : gain de flexibilité et de productivité, réduction des coûts, recherche de la qualité et de la performance. Le centre d'analyse stratégique vient de publier le rapport L’impact des TIC sur les conditions de travaildont publions ci-dessous certains extraits et émet 20 recommandations organisées en 4 axes.

Pour télécharger le rapport



Le nombre de salariés utilisateurs de TIC continue d’augmenter : en 2010, 64 % des salariés travaillent sur écran et 31 % disposent d’un outil de mobilité. En moyenne, le temps de travail sur écran tend à augmenter et plus de deux utilisateurs sur trois travaillent plus de trois heures par jour sur écran. L’entreprise n’est plus le principal lieu de l’innovation des TIC. Leur utilisation par le grand public pour le loisir se développe rapidement : 86 % des actifs disposent d’un accès à Internet à domicile en 2011 alors que seuls 54 % d’entre eux en disposent sur leur lieu de travail.


Les usages des TIC : des risques pour les conditions de travail


Les TIC provoquent de profonds changements dans le travail

L’usage des TIC contribue à changer la nature du travail et des compétences mises en oeuvre pour l’exercer. La pratique de la lecture et de l’écriture et, plus largement, l’abstraction dans le travail se développent : le commercial ne “voit” plus le client, le vendeur ne “voit” plus le stock, l’opérateur ne “touche” plus la vanne… Il ne s’agit plus d’agir directement mais de recueillir, traiter et transformer des volumes d’information toujours plus importants. Cette transformation du travail aboutit à modifier les notions de temps et d’espace : les délais sont raccourcis par l’instantanéité des échanges numériques, le travail à distance est possible. Les utilisateurs de TIC doivent en outre s’adapter à la rapidité des évolutions de ces technologies.

En lien avec l’organisation du travail et le management, les TIC participent à l’accroissement des rythmes de travail

L’utilisation des TIC n’implique pas globalement pour les salariés une intensification du travail, mais ceux qui en font une utilisation soutenue y sont particulièrement exposés.
En effet, si les TIC n’en sont pas directement la cause, elles renforcent les contraintes organisationnelles ou des normes de productivité. En étant directement intégrées à la chaîne de valeur de l’entreprise, parfois même en l’accompagnant, elles créent des interdépendances entre les salariés. En ce sens, elles peuvent apparaître comme “complices’’ des dispositifs qui accroissent, délibérément ou non, la pression sur le travail et la surcharge informationnelle.

Les effets négatifs de la surinformation, pour les entreprises comme pour les salariés, constituent un phénomène ancien que le développement des TIC, notamment d’Internet, a considérablement amplifié. La messagerie électronique y a particulièrement contribué, occasionnant stress, surcharge, urgence, interruption intempestive, etc. Certaines entreprises commencent à réfléchir à ces phénomènes et à leurs alternatives à l’occasion de “journées sans mail”.

Un autre risque est associé aux pannes et incidents liés aux TIC, qui perturbent le rythme de travail. Ces dysfonctionnements sont en hausse notable et peuvent provoquer un stress important, en particulier pour les salariés subissant une pression temporelle dans leur activité, ou pour ceux qui sont en contact direct avec des clients.

L’évolution des TIC transforme l’autonomie dans le travail

Les TIC ne peuvent pas être considérées comme la cause du renforcement du contrôle qui découle, en réalité, de la mise en œuvre de normes de production ou de qualité ainsi que des intentions managériales qui les orientent. Leur efficacité dans ce domaine va cependant démultiplier les effets du contrôle, parfois au-delà des besoins et des intentions.

Les utilisateurs de TIC sont en effet, dans leur majorité, plus autonomes dans leurs fonctions que leurs collègues non utilisateurs. Mais cette autonomie se double, non sans une certaine contradiction, d’une augmentation du contrôle du travail réalisé, rendu possible ou induit par les TIC(16).
Ce paradoxe n’est cependant qu’apparent, en raison tout d’abord de la multiplicité des usages des TIC et des catégories d’utilisateurs. Nombre de ces technologies renforcent l’autonomie de certains salariés, alors que d’autres, au contraire, en réduisent les marges de manœuvre. Surtout, ce sont les relations entre autonomie et contrôle qui se complexifient, dépassant les antagonismes d’hier.

Les TIC vont intervenir selon deux logiques :
D’une part, l’équipement TIC des entreprises (sont visés ici les applications, systèmes d’information et progiciels) est associé à une formalisation et une prescription plus intenses du travail. Paradoxalement, les TIC vont souvent, de fait, rigidifier la mise en œuvre de normes réglementaires ou de qualités préexistantes. Mais, pour autant, les salariés bénéficient souvent dans ce cas d’une autonomie importante dans l’organisation et la réalisation opérationnelle de leur travail. Les TIC participent alors à la construction d’une “autonomie encadrée”.

D’autre part, dans l’entreprise, ces technologies ont vocation à rationaliser et standardiser le travail, qu’il est ensuite possible de suivre en temps réel. La traçabilité du numérique permet, en outre, de vérifier le travail a posteriori et donc de procéder à son contrôle sans réduire l’autonomie qui a prévalu dans sa réalisation.

Mais le contrôle peut devenir omniprésent : en précisant des objectifs de résultats (chiffre d’affaires, nombre de pièces réalisées, etc.), des objectifs de moyens (nombre de rendez-vous pris, durée des appels téléphoniques, etc.), en prescrivant le travail et en réduisant l’autonomie durant sa réalisation, en vérifiant sa bonne exécution. Les individus peuvent voir leurs marges de manœuvre se réduire drastiquement et parfois même devenir des “périphériques de système” (cas du voice picking(17) pour les préparateurs de commandes dans la logistique).

Certains types de TIC comme les progiciels de gestion intégrée peuvent jouer un rôle important dans cette réduction de l’autonomie et également accroître les risques d’intensification des rythmes de travail.

Les TIC participent au renouvellement des collectifs de travail

Les usages des TIC ne sont pas simplement liés aux pratiques individuelles. Ils façonnent aussi les relations collectives de travail dont les dimensions culturelles peuvent influencer ces usages, voire interagir avec eux. En partant des travaux de Mary Douglas sur l’analyse culturelle des collectifs, il est possible de classer les collectifs de travail en fonction de deux critères : l’autonomie du travailleur et la régulation des collectifs . En croisant cette approche avec les usages des TIC, on met en évidence la diversité des effets des technologies de l’information sur les collectifs de travail.

Le modèle “hiérarchique”, qui a été très présent dans les entreprises françaises, est ainsi déstabilisé par l’individualisation de la relation de travail à laquelle les TIC contribuent de manière très importante.

En revanche, ces technologies participent étroitement au développement d’une forme nouvelle de collectif, généralement destinée à la gestion de projets et qui prédomine dans le secteur des métiers des TIC. Ce modèle, le “nomadisme coopératif ”, se caractérise notamment par des modalités d’association peu formalisées et déterminées par les objectifs à atteindre par le projet, une structuration en réseau, un engagement fort des participants – qui cependant souhaitent marquer leurs distances par rapport à l’entreprise. Les usages des TIC destinés à la gestion de projet ou à la collaboration sont indissociables de ce modèle. Sa diffusion devrait se poursuivre car il converge avec l’évolution des formes d’engagement dans le monde du travail, mais également dans la vie collective en général. Il est cependant moins intégrateur que celui de la culture hiérarchique, car il est loin de convenir à tous les profils de travailleurs, et ses avantages se paient par une insécurité plus grande.

Sans en être à l’origine, les TIC peuvent parfois appauvrir les liens sociaux des salariés. C’est particulièrement net dans les situations, limitées en nombre, que l’on peut ranger dans la classe “subordination sociale”, où un process et des outils standardisés sont appliqués uniformément à un grand nombre de salariés. Ces situations relèvent bien souvent d’un néo-taylorisme.

Les outils collaboratifs issus du web 2.0, et en particulier les réseaux sociaux, offrent, au contraire, un potentiel de développement inédit aux collectifs “égalitaires” de professionnels ou d’experts trans entreprises qui se retrouvent pour échanger et parfois collaborer sur des objectifs plus ou moins liés à leurs activités au sein de l’entreprise.

La multiplication des formes de collectifs produit donc des opportunités, mais aussi de nouveaux risques d’exclusion. Elle aboutit également à des variations importantes dans la qualité du soutien social que les collectifs procurent.

Là encore, les TIC ne prédéterminent pas les choix organisationnels, bien qu’elles les orientent dans certains cas, mais elles peuvent en amplifier les effets sur les collectifs dans des proportions très importantes. La capacité managériale à anticiper et à conduire le changement qu’elles accompagnent et produisent est déterminante. C’est elle qui peut garantir des impacts favorables sur les liens sociaux dans l’entreprise.

Les TIC ne peuvent pas être considérées comme un facteur d’isolement des utilisateurs

Selon une idée assez largement répandue, les TIC seraient à l’origine d’un cloisonnement important des échanges et des collectifs de travail. Les salariés auraient tendance à avoir moins de contacts avec leurs collègues, réduisant ainsi leur sociabilité et les échanges directs.

On constate cependant que ces technologies ont plutôt pour effet d’élargir les collectifs de travail. Les non utilisateurs sont davantage isolés que les utilisateurs des TIC, car ces derniers sont souvent insérés dans des collectifs larges et bénéficient de fortes relations d’entraide. Les liens avec leurs équipes de travail se distendent parfois, mais toujours au profit d’autres équipes, souvent extérieures à leur service. Toute la question est alors de savoir dans quelle mesure ces nouveaux liens transforment les anciens.

Quand on observe les échanges concrets entre salariés, les TIC peuvent ainsi, dans certains cas, contribuer à rendre les échanges plus formels, plus brefs et moins personnalisés, se caractérisant en outre par une surcharge informationnelle, par exemple par la multiplication du nombre de personnes mises en copie d’un message.

Mais elles permettent plus généralement d’intensifier et de diversifier les échanges entre collègues, tout en laissant une place à l’informel. Les salariés adaptent ici leurs usages en fonction de leurs besoins : renforçant et enrichissant les échanges avec certains collègues, diminuant et formalisant les échanges avec d’autres.

Les TIC contribuent au brouillage croissant des frontières spatio-temporelles du travail

Le brouillage des frontières entre sphère professionnelle et sphère personnelle s’inscrit dans une évolution générale du rapport au temps, à laquelle les innovations en matière de TIC, notamment les outils de mobilité et le télétravail, contribuent de façon déterminante. Cependant, si le travail à distance ou hors de l’entreprise a beaucoup progressé, les TIC n’accompagnent, au milieu des années 2000, qu’une partie de ces évolutions car l’informatique tend à sédentariser le travailleur. Ces pratiques sont néanmoins plus courantes chez les utilisateurs réguliers de la messagerie, d’Internet et des connexions à distance.

À l’échelle individuelle, on constate une porosité croissante entre sphère privée et sphère professionnelle, à laquelle les TIC participent. Les utilisateurs avancés des TIC sont plus exposés à un travail qui dépasse le cadre des horaires habituels. Le risque de “surtravail” est néanmoins modéré par l’entourage familial. Même s’il est difficile de déterminer précisément la responsabilité des TIC dans ces phénomènes, on constate une productivité plus élevée et une charge de travail accrue.

Les TIC contribuent à transformer les normes de disponibilité par une pression du temps réel et de l’immédiateté brouillant la régulation collective du temps de travail. Elles accentuent la pression sur l’organisation du travail, conférant aux salariés des marges de manœuvre accrues en termes de gestion de leur temps de travail.

Enfin, les TIC ont des effets sur l’évolution des espaces collectifs de travail : le nomadisme, la numérisation et la virtualisation permettent une restructuration des bureaux, le modèle du free seating étant la pointe émergée de ce phénomène. Plus globalement, dans les entreprises, les TIC mobiles et le nomadisme perturbent les pratiques managériales, la “déspatialisation” du travail nécessitant de renforcer les échanges avec les collaborateurs.

En outre, le développement du travail en réseau, indépendamment des organigrammes ou des frontières de l’entreprise, peut conduire à l’affaiblissement du sentiment d’appartenance. Les TIC favorisent à cet égard les collaborations externes, notamment pour les utilisateurs réguliers de l’e-mail, d’Internet et des connexions à distance. Dans quelle mesure est-ce au détriment des relations internes à l’entreprise ?

Les TIC ont des impacts directs modérés sur la santé des utilisateurs et des effets indirects plus ambigus et contrastés

Les études sur l’impact des TIC sur la santé au travail sont peu nombreuses, ce qui explique qu’elles soient souvent perçues comme des “technologies douces”, plutôt favorables au bien-être des utilisateurs. Mais il n’est pas possible d’identifier avec certitude la place et les effets de l’usage des TIC au regard d’autres caractéristiques, par exemple la qualification, la motivation, les comportements individuels ou l’organisation du travail.

Les effets directs des TIC sur la santé, les mieux identifiés, sont limités : il s’agit de ceux liés aux ondes électromagnétiques, surtout pour le travail sur écran, et à l’ergonomique avec la fatigue visuelle et les risques de troubles musculo-squelettiques (TMS). Ils demeurent mineurs au regard d’autres situations de travail de type industriel.


Les TIC sont aussi susceptibles d’avoir des impacts indirects sur la santé : risques de job strain, de stress et risques psychosociaux (RPS). En cas de faible latitude décisionnelle particulièrement, les effets sont négatifs pour la santé : maladies coronariennes, dépressions, TMS, etc. Quand les TIC sont mises en cause dans ces situations, c’est surtout en raison du rôle qu’elles jouent dans l’intensification du travail. Néanmoins, en tant qu’outils de communication elles peuvent permettre de favoriser l’entraide et la coopération entre collègues, qui atténuent les risques pour la santé.

Dans quelques situations de travail bien spécifiques, l’emploi des TIC pose de sérieux problèmes de santé : le voice picking apparaît le plus nettement négatif, mais c’est aussi le cas le mieux étudié ; les opérateurs de centres d’appels semblent surtout soumis à une charge émotionnelle liée aux relations difficiles avec le public, même si les TIC sont fortement mobilisées comme outils de contrôle et d’intensification ; les systèmes de géolocalisation ont des effets plus ambigus mais encore peu analysés à ce jour. Pour ces derniers, on peut citer le cas des techniciens de maintenance qui y perdent parfois de la souplesse organisationnelle, ce qui engendre du stress et peut affecter la qualité de leurs interventions chez les clients.

Les transformations des TIC et leur diffusion à un nombre croissant de salariés, notamment les TIC mobiles, renforcent les problématiques de santé au travail et les risques psychosociaux, avec une difficulté nouvelle liée au management à distance. Elles sont un facteur explicatif du malaise ressenti par un nombre croissant de cadres, ce qui appelle à une meilleure connaissance des effets des TIC sur la santé et à une réflexion approfondie sur leurs usages.

Ce sont en effet les cadres qui subissent la plus forte surcharge en termes d’information et de communication, directement liée aux nouveaux systèmes d’information.

Des nouvelles tehnologies de l'information qui vont continuer à se développer

Les TIC vont continuer à transformer le monde du travail. L’augmentation rapide de la puissance de calcul, la multiplication des microprocesseurs dans les environnements professionnels, le développement des interfaces homme/machine auront notamment des conséquences importantes sur les conditions de travail, qui pourront parfois être transformées. Les perspectives ouvertes par la convergence des nanotechnologies, biotechnologies, technologies de l’information et des sciences cognitives (NBIC) confirment la montée des enjeux dans ce domaine.

À court terme, la pression des outils et des usages issus du grand public sur les systèmes d’information des entreprises va croître, non sans s’accompagner de tensions. Face à l’augmentation des menaces sur les réseaux, les dispositifs destinés à sécuriser les systèmes d’information vont peser sur les utilisateurs en créant des risques dans l’exercice du travail ou dans la protection de la vie privée des salariés. La diffusion récente et rapide des nouveaux outils de mobilité, smartphones ou tablettes, va renforcer la porosité entre vie professionnelle et vie privée. Le développement des réseaux sociaux internes aux entreprises, intéressants mais encore émergents, prend des formes hétérogènes, plus ou moins maîtrisées, ce qui laisse présager des résultats très inégaux.

Les TIC devraient continuer à représenter des risques potentiels pour les salariés, mais de nature différente selon les catégories. Ainsi, les salariés chargés de travaux d’exécution ou engagés dans des process seront soumis aux risques d’une réduction de leur autonomie et d’une intensification de leur travail. Les risques d’instrumentalisation des individus par les systèmes grandissent. Les cadres devraient voir leur autonomie s’accroître grâce, en particulier, aux TIC mobiles et au développement des outils collaboratifs, avec en parallèle des risques accrus d’intrusion de la vie professionnelle dans la vie privée.

Une des réponses à ce phénomène, l’élaboration d’un “droit à la déconnexion”, paraît improbable à court terme. En outre, la diffusion des TIC devrait se poursuivre dans les secteurs où elles sont le moins répandues, pour des salariés qui connaîtront des difficultés particulières pour les utiliser. Parmi les non-utilisateurs actuels, trois millions sont illettrés et nombreux sont ceux qui connaissent des difficultés pour lire ou écrire, compétences cruciales pour travailler avec les TIC.

Les TIC contribuent à réduire la place des activités intellectuelles routinières, ainsi que la demande de travail pour les qualifications faibles ou intermédiaires. En revanche, elles dynamisent la demande de travail très qualifié selon des études récentes sur les pays de l’OCDE. Les nouvelles formes de collaboration associées à “l’entreprise 2.0” peuvent paraître prometteuses. Pour en disposer, les entreprises devront cependant adapter leurs organisations et les intégrer dans leur culture, ce qui nécessitera des efforts importants et un renouvellement des modalités du dialogue social.

Le management des entreprises face aux Tic : un pilotage d'abord technique

La diffusion des TIC dans les entreprises mobilise un ensemble diversifié d’acteurs, internes et externes. Les méthodes de travail pour développer le système d’information connaissent une évolution permanente, tout comme les compétences et les fonctions qui s’y rattachent. C’est notamment le cas de celles des directeurs des systèmes d’information (DSI) qui ont glissé du champ technique vers le niveau stratégique. Il s’agit donc de prendre en compte l’importance des enjeux des projets liés aux TIC tout en suivant l’évolution rapide des technologies afin d’en optimiser le potentiel au bénéfice des entreprises.

Mais les divergences de cultures et de priorités des différents acteurs restent pénalisantes pour la réalisation et l’intégration des changements technologiques au sein des entreprises. Les critères techniques et financiers prennent trop souvent le pas sur les conséquences organisationnelles, et plus encore sur les impacts du système d’information sur le travail des salariés. Le facteur humain est insuffisamment pris en compte, quand il n’est pas occulté. Ces déficiences conduisent à l’échec de nombreux projets. Les responsables des ressources humaines et du dialogue social doivent être davantage impliqués et disposer pour cela de marges de manœuvre suffisantes.

Une meilleure intégration des différents acteurs du système d’information dans la conduite des projets ainsi que le recours à des méthodologies de pilotage privilégiant l’analyse des usages sont donc particulièrement indiqués. L’accompagnement des salariés concernés par les évolutions importantes du système d’information ainsi que la formation continue constituent des facteurs décisifs pour la réussite des projets. Leur mise en œuvre apparaît bien souvent insuffisante. L’effort de formation continue des entreprises concernant les TIC a singulièrement fléchi depuis le début des années 2000. La plus grande maîtrise des outils par les salariés, notamment les plus jeunes, explique en partie cette baisse, de même que le développement de l’autoformation. L’accompagnement du changement semble peu répandu dans les entreprises. Ces technologies évoluant rapidement, il paraît donc souhaitable que la formation et l’accompagnement du changement fassent l’objet d’un effort particulier de leur part.


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Les recommandations
Axe 1 - Développer la maîtrise des usages des TIC par les entreprises et faire du système d’information un outil d’aide au travail des salariés
1. Considérer le système d’information comme un outil d’aide au travail des salariés
2. Promouvoir et développer les méthodes d’analyse des usages du système d’information en entreprise
3. Établir un bilan annuel sur les usages des TIC dans l’entreprise
4. Développer des dispositifs ciblés d’évaluation des usages des TIC à l’intention des entreprises
5. Développer des dispositifs de régulation interne des usages des TIC dans les entreprises


Axe 2 - Intégrer systématiquement les utilisateurs et les DRH dans la définition des besoins et la conduite des projets et associer les représentants du personnel à leur conception et pilotage
6. Intégrer pleinement les utilisateurs de TIC dans la conduite des projets.
7. Systématiser la participation de la DRH dans la conduite des projets SI à tous les stades de leur développement
8. Développer les compétences des DRH en matière d’analyse des usages.
9. Améliorer l’information des représentants du personnel sur les conséquences sociales d’une évolution importante du système d’information
10. Renforcer les capacités des IRP pour qu’elles saisissent mieux les enjeux humains des sujets
TIC/SI, en particulier pour ce qui concerne les conditions de travail.


Axe 3 - Renforcer l’accompagnement des salariés face aux évolutions du système d’information
11. Renforcer l’effort des entreprises en matière de formation continue concernant les TIC
12. Établir un bilan qualitatif et quantitatif de l’accompagnement du changement dans les entreprises afin d’identifier des axes d’effort pour développer cette activité
13. Ne pas stigmatiser les emplois « hypo-technologiques » dans les entreprises


Axe 4 - Renforcer la capacité de l’État à prendre en compte les usages des TIC dans les politiques publiques consacrées au développement de l’économie numérique
14. Mettre en place un groupe de travail interdisciplinaire et interinstitutionnel de suivi des usages professionnels des TIC
15. Garantir la prise en compte des usages des TIC dans le monde du travail par les politiques publiques dans un cadre interministériel cohérent
16. Solliciter l’expertise du Conseil national du numérique sur les usages des TIC dans le monde du travail
17. Pérenniser un dispositif d’enquête ciblé sur l’analyse des TIC et des organisations du travail et compléter les enquêtes statistiques actuelles pour qu’elles prennent davantage en compte les relations entre TIC et conditions de travail
18. Renforcer la place des problématiques TIC dans les programmes d’études et de recherche sur les organisations du travail et les conditions de travail, tant sur données quantitatives que qualitatives
19. Améliorer le dispositif statistique de suivi de la formation continue consacrée aux TIC et mettre en place un suivi spécifique concernant le e-learning destiné aux TIC
20. Favoriser les institutions de recherche croisant les problématiques TIC et celles relatives au monde du travail


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